Le Céreq vient de publier une étude sur le Conseil en évolution professionnelle (CEP)[1] à la demande du Conseil national d’évaluations de la formation professionnelle (CNEFP).
Cette enquête qualitative[2] s’est successivement déroulée aux niveaux national, régional et local auprès des cinq opérateurs antérieurs à la loi « avenir professionnel » de septembre 2018 : l’Apec, les Cap emploi, les Missions locales, les Fongecif/Opacif[3] et Pôle emploi.
L’ACTIVITÉ DE CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE A ÉTÉ INÉGALE
L’étude montre que d’un opérateur à l’autre, mais aussi parfois entre les structures locales d’un même opérateur, la mise en œuvre a été contrastée.
Le CEP n’a pas fait l’objet de financements spécifiques. Dans la pratique, les moyens dont ont disposé les opérateurs n’étaient pas du tout comparables.
Le prise en charge des 3 niveaux du CEP a été différente, même si des conseillers ont été généralement dédiés à apporter un appui à leurs collèges.
« Pour l’Apec il s’est agi de renforcer le conseil et de s’ouvrir à l’ingénierie de formation. Avec l’accompagnement CEP, Pôle emploi a consolidé son offre de services sur le volet de l’orientation professionnelle. Quant aux Cap emploi et aux Missions locales, qui estimaient être déjà proches des attendus du CEP, ils n’ont pas changé leurs pratiques en profondeur. »
Le niveau 1 a généralement été réduit à la fonction de « gare de triage »[4] (terme de l’enquête).
Le niveau 2 a globalement fonctionné.
Le niveau 3, qui concerne souvent la formation, a révélé :« la fragilité des opérateurs non financeurs (Missions locales, Apec, Cap emploi), notamment à travers la difficile mobilisation du CPF pour les demandeurs d’emploi ».
DIVERS APPUIS ONT ÉTÉ APPORTES AUX CONSEILLERS POUR LEUR PERMETTRE DE RÉALISER DES CEP
Dans une première période, les opérateurs ont inégalement diffusé dans leurs équipes les principes de la démarche CEP, par une communication interne, de la formation[5] et l’élaboration de supports méthodologiques. Des temps collectifs d’échanges entre conseillers sur les difficultés éventuellement rencontrées dans leur mise en œuvre du CEP ont été programmés. La plupart des équipes ont pu s’appuyer sur des personnes ressources comme le référent formation à l’Apec et le psychologue du travail à Pôle emploi.
Cet effort de formation de personnels a été centré sur les méthodes, il ne semble pas suffire pas à prouver que tous les éléments d’information soient mobilisés en temps réel à ce jour.
Des informations restent à générer au-delà de l’existant.
La circulation des informations sur les emplois et les besoins reste encore à développer au travers d’un effort indispensable.
LES COOPÉRATIONS ENTRE ACTEURS SE SITUENT A DES NIVEAUX DIVERS
Au niveau national, une dynamique de concertation a concerné l’ensemble des opérateurs dès 2013.
Tandis que « L’enquête en région révèle de fait que les dynamiques SPRO/CEP sont nuancées. » Les « interrelations entre les opérateurs du CEP sont à géométrie variable. »
Ces résultats du Céreq interviennent, après l’adoption de la loi « avenir professionnel », qui donne et à ces mêmes acteurs la fonction de mise en place du CEP pour les demandeurs d’emploi.
Pour les personnes en emploi, des acteurs régionaux vont être retenus suite à un appel à projets, encore en cours, pour se développer en 2020.
Le contenu des projets retenus sera par construction variable. Mais ces actions des opérateurs auront la chance d’être rémunérées, contrairement à celle destinées aux chômeurs.
La séparation de la prise en charge du CEP entre, d’une part, le public « sans emploi » et, d’autre part, les personnes « en emploi » s’explique assez mal… Le choix des acteur régionaux retenus apportera sans doute des réponses sur qui bénéficie de ce marché
LES CONCLUSIONS DU CEREQ SUR LE CEP ACTUEL SONT NETTES.
Les conclusions formées, sur la dernière période de mise en œuvre du CEP, sont tranchées.
« Les conditions d’une égalité de traitement entre tous les actifs qui sont supposés avoir accès au CEP ne sont pas réunies pour le moment. »[6]
« Le CEP demeure largement méconnu du public potentiellement concerné, qui n’est donc pas ou peu demandeur.
Qui plus est, l’accès au CEP ne garantit aucunement un même niveau d’accompagnement, y compris entre des structures d’un même opérateur. »
« Les réactions différenciées des opérateurs à l’arrivée du CEP contribuent à ce résultat. Ils se sont diversement mis en mouvement.
Certains ont révisé leur offre de services et/ou mis en place des appuis à la professionnalisation, tandis que d’autres sont restés en retrait, considérant que le CEP venait plutôt légitimer leur positionnement antérieur. »
Sur ce dernier point, l’enquête pointe la responsabilité des Missions locales et des Cap emploi « accaparés par des objectifs concomitants et bloqués par des moyens insuffisants ».
Le CEREQ estime que la mobilisation a eu lieu de manière très inégale et « pour certains de manière différée dans le temps ».
« on constate une absence de mobilisation dans les agences Pôle emploi rencontrées entre une première information généraliste sur le CEP en 2015 et l’accompagnement de cinq semaines mis en place en 2017. »
L’ÉTUDE SE CONCLUT SUR UNE HÉTÉROGÉNÉITÉ DES POSITIONS DES OPÉRATEURS FACE AU CEP.
Les pistes d’amélioration de l’accompagnement du CEP restent floues ou incertaines. L’adoption de la loi avant la remise du rapport de pré bilan semble incongrue.
Le projet actuel de réorganisation de l’accompagnement du CEP ne semble pas, en première approche, apporter des réponses aux problèmes déjà repérés, tout en ouvrant une période encoreplus incertaine incertaine compte tenu des évolutions engagées.
LA CONCLUSION DU CEREQ ÉNUMÈRE DIVERSES INTERROGATIONS DE FOND ET DE FORME SUR L’AVENIR DU CEP ET DE SES ACTEURS.
La perspective de la réforme du CEP conduit à de nombreuses questions de la part des personnels et des structures concernées :
-
sur les changements successifs de politique de l’orientation, sur le rôle de la Région[7],
-
sur l’autonomie des personnes via les outils numériques,
-
sur les nouveaux rapports à imaginer avec les bénéficiaires,
-
etc.
[1] Source : Céreq Études n°22 – mai 2019 – « Professionnalités, systèmes d’acteurs et territoires : quels effets du Conseil en évolution professionnelle (CEP) ? ». Centre d’études et de recherches sur les qualifications
[2] Elle concerne la mise en œuvre du CEP, les appuis apportés dans ce cadre à la professionnalisation des conseillers et enfin l’évolution des systèmes d’acteurs au niveau territorial.
[3] Pour le Fongecif qui va perdre ce rôle, je passe sur les commentaires.
[4] « la prise en charge du niveau 1 » est assurée « par des agents d’accueil/chargés de développement client (exemple de l’Apec) ».
[5] Au sein de Pôle emploi en 2017, une action de professionnalisation de grande ampleur, ciblée sur l’amélioration de la mise en œuvre du CEP. « Chaque agence a bénéficié d’un accompagnement durant cinq semaines. »
[6] « Selon leur statut, indépendants, salariés et demandeurs d’emploi n’y ont pas accès dans les mêmes proportions. »
[7] « Les Régions n’ont pas toutes apporté un soutien pérenne à la mise en œuvre du CEP. De ce fait, les opérateurs ont pu se trouver perturbés par l’interruption plus ou moins brutale et complète des dynamiques précédemment initiées entre eux dans le cadre de cette animation régionale. »
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