L’IGAS PROPOSE UN RENFORCEMENT DES LIENS ENTRE POLE EMPLOI ET LES MISSIONS LOCALES
L’IGAS a produit un rapport sur le partenariat renforcé entre le réseau des Missions locales et Pôle emploi. Il vient d’être rendu public[1]. L’UNML juge que « certaines de ses propositions sont contestables, après un contexte de tension dû aux propositions de fusion des Missions locales au sein de Pôle emploi. »[2]
La question de la répartition fluctuante des jeunes entre Pôle emploi et les missions locales mérite d’être posée. Le flou actuel répond à impératif « politique », puisqu’une part des jeunes bénéficiant des services des missions locales ne sont pas inscrits à Pôle emploi, tandis qu’une autre partie sont à la fois en Mission locale et chez Pôle emploi. Ces derniers sont souvent des jeunes ayant travaillé le temps nécessaire pour être indemnisé.
Le service global apporté aux jeunes par la plupart des missions locales est beaucoup plus large (emploi apprentissage, logement, santé, loisirs, etc.) que celui de Pôle emploi contré uniquement sur l’emploi et la formation. Par contre Pôle emploi dispose généralement d’une offre d’emploi plus importante.
Le développement d’un partenariat renforcé du réseau des Missions locales avec Pôle emploi apparait souhaitable. Son but doit évidemment d’améliorer les interventions auprès des jeunes et des entreprises des deux parties. Il est également opportun d’assurer des interconnexions utiles entre les Systèmes d’information de chacun[3].
MAIS CERTAINES PROPOSITIONS DU RAPPORT DE L’IGAS APPARAISSENT CONTESTABLES.
La proposition de la mise en œuvre d’un GIP national « fortement encadré par l’État », ou de GIP locaux, réunissant les Missions locales et les agences de Pôle emploi pour coordonner les financements semble peu réaliste.
Certes, le financement d’actions de rapprochement ML-PE sur les fonctions support, ou des offres de service communes, doit être traité, mais il ne concerne qu’une part des couts et, d’autre part, le financement d’État une partie des recettes d’une mission locale.
La solution de constitution de GIP apparait comme une tentative douce d’absorption des missions locales par Pôle emploi.
Or le budget des Missions locales est financé pour une moitié par les collectivités territoriales. Elles sont présidées des élus[4] et des représentants de Pôle emploi sont déjà membres des conseils d’administration et des bureaux des associations Missions Locales dans une très grande majorité des cas. Pôle emploi participe donc bien déjà aux instances associatives « où se définissent le projet et les priorités d’action des structures ».
Enfin, la mise en œuvre de fusions entre Missions locales de petite taille au sein de GIP locaux avec les agences de Pôle emploi ne parait pas opportune.
D’une manière générale, l’obsession de regrouper des associations, appartenant à un même réseau, dans le but de réaliser des économies d’échelle, constitue une illusion, comme cela a été prouvé à de multiples reprises.
Le contrôle par Pôle emploi des crédits d’Etat versés aux Missions locales, sur des critères que PE établirait à sa guise, nationalement ou localement, pose un problème de fond.
LES MISSIONS LOCALES SONT STATUTAIREMENT DES CO-TRAITANTS DE POLE EMPLOI
Elles font « partie intégrante du Service public de l’emploi ». Si le dispositif GIP était mis en place[5], les missions locales craignent de devenir demain des sous-traitants réalisant des prestations sur commande de Pôle emploi. Le financement variable des prestations accroîtrait leur insécurité financière.
Il ne semble pas nécessaire d’aller plus loin, à moins que le projet implicite de Pôle emploi soit de prendre le contrôle des missions locales.
Ne pas oublier que lors de la constitution de Pôle emploi fusion des services de l’Unédic et de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), les missions locales et l’APEC étaient concernées par la fusion qui visait une structure unique (même l’AFPA avait été visée un temps pour le volet formation). Les associations, Missions locales et APEC, ont réussi à cette époque sortir du jeu de justesse.
L’UNML DÉFEND UNE AUTRE VISION DE L’ÉVOLUTION À CONDUIRE
L’UNML a eu l’occasion de formuler la proposition d’« une évolution structurelle de l’organisation du Service public de l’emploi, en reconnaissant aux Missions locales la responsabilité pleine et entière de l’accompagnement[6] de tous les jeunes âgés de 16 à 25 ans voire jusqu’à 29 ans »[7].
Un accueil de tous les jeunes par les missions locales, déjà de 18 à 25 ans, éviterait « l’ensemble des difficultés que le rapport a mis en évidence en matière de coordination, de communication, de système d’information et de financements ».
La simplification des dispositifs d’accompagnement serait alors assurée par un renvoi de tous les jeunes à une mission locale et Pôle emploi se désengagerait (par une « délégation ») de l’ensemble de ces profils de jeunes demandeurs d’emploi.
Cet élargissement du public des missions locales mérite au moins d’être débattu, car il implique une nouvelle politique en faveur de l’emploi des jeunes qui dépasse la cadre des jeunes « peu ou pas qualifiée » de moins de 25 ans.
La prise en charge de jeunes qualifiés, jusqu’à 25 ou 29 ans, nécessite d’autres moyens et sans doute d’autres profils de personnels.
Le rapport de l’Igas précise que « le taux de satisfaction des jeunes en délégation de PPAE est nettement supérieur à celui des jeunes accompagnés directement par Pôle emploi, y compris, en fin de période, à celui des jeunes en AIJ[8] »
Ce résultat plaide plutôt en faveur d’une solution de type « mission locale », même si elle apparait improbable aujourd’hui de la part du gouvernement.
[1] « Le bureau de l’UNML, après avoir examiné le 15 janvier dernier, le rapport de l’IGAS sur le partenariat renforcé entre le réseau des Missions Locales et Pôle emploi, avait décidé, dans l’attente de sa parution officielle, de ne pas en faire la communication. » (…) « L’IGAS ayant choisi de publier son rapport le 15 mars 2019, au moment où se déroule la 4ème Semaine nationale des Missions Locales, avec plus de 600 initiatives réparties sur l’ensemble du territoire national, l’UNML n’a pas souhaité réagir à chaud. »
[2] UNML – Info hebdo numéro 393 – IH du 26 mars 2019 – WWW.UNML.INFO – https://bit.ly/2Yu8Jhx
[3] « Par exemple, les travaux en cours sur un outil digital commun d’orientation et de suivi des personnes en formation dans le cadre du PIC et des PACTE régionaux, constituent une première étape d’une interconnexion à renforcer par l’intermédiaire d’API. » – UNML
[4] « Les élus ne sauraient être dépossédés de leurs responsabilités de pilotage des Missions Locales et la couverture territoriale des Missions Locales est plébiscitée par les jeunes comme par les partenaires » – UNML
[5] « Les inspecteurs n’ont pas mesuré dans leur rapport toutes les conséquences de leurs propositions au plan juridique (les agences de Pôle emploi n’ont pas de statut juridique autonome), institutionnel (création d’une nouvelle structure en plus voire en trop), financier (la création et le fonctionnement d’un GIP aura un coût certain), politique (qui assure le pilotage du GIP ?) et au plan de la gestion des ressources humaines (animation des équipes, différences de statut et de rémunération). » – UNML
[6] « Les Missions Locales, Service public territorial de l’insertion de tous les jeunes, mettent en œuvre le droit à l’accompagnement dans le cadre du PACEA, dont la Garantie jeunes est une étape intensive. »- UNML
[7] « Cette proposition s’inscrit également dans les orientations présentées lors du conseil des ministres du 20 mars 2019, sur la mise en oeuvre de la stratégie de lutte contre la pauvreté des jeunes, dont le volet emploi se fonde sur l’action des Missions Locales. » –UNML
[8] Cette conclusion converge avec les résultats de l’enquête nationale réalisée par le réseau des Missions Locales auprès des jeunes.
Pas de commentaire sur “Comment Pôle emploi pourrait contrôler les missions locales ?”