Les mesures politiques, prises en réponse à la crise sanitaire de 2020, ont eu des conséquences économiques et sociales : destruction d’emplois, hausse du chômage, baisse des cotisations sociales correspondant à une part des salariés (exonérations[1]), etc.
Les régimes sociaux, dont l’assurance chômage, l’assurance maladie et l’assurance retraite, ont vu leurs ressources diminuer.
Cette baisse des ressources a été accompagnée par une augmentation des dépenses de l’indemnisation chômage (augmentation du nombre des chômeurs indemnisés et explosion du chômage partiel), des dépenses exceptionnelles de santé (arrêts maladie de quarantaine, etc.).
A fin 2020, les déficits des régimes sociaux vont exploser pour 2020, d’autant plus que le gouvernement a choisi de faire porter une part des dépenses exceptionnelles, liées à la crise, sur les régimes sociaux qui n’ont pas les ressources correspondantes pour y répondre.
C’est sans doute une grave faute politique.
De plus, le premier trimestre 2021, au minimum, ne se présente pas en mesure de stabiliser la situation. L’estimation du pic de la crise de l’emploi est fixée à la mi 2021, sans prendre en compte une troisième vague de la pandémie. L’entrée de jeunes en emploi et le retour à l’emploi des chômeurs apparait devoir rester difficile voire plus l’année qui vient.
Dans ce contexte, la relance de la réforme des retraites tout comme celle de l’assurance chômage apparaissent pour le moins décalée par rapport à la réalité sociale. La priorité majeure est l’emploi, car le redressement des régimes sociaux tient directement au nombre de personnes en emploi[2].
LA RÉFORME DES RETRAITES EST-ELLE UNE PRIORITÉ ABSOLUE ?
Une nouvelle ligne de fracture est apparue au sein du gouvernement sur les urgences du gouvernement, après la crise politique issue de la rédaction de l’article 24 de la loi de « sécurité globale ».
Le ministre de l’Économie a jugé, le 29 novembre, que « des réformes structurelles » seront nécessaires, et citer « celle des retraites qui doit être la priorité absolue ».
Tandis que la ministre du Travail a répondu que :
« La priorité absolue, c’est de sortir de la crise sanitaire, économique, sociale, de protéger les emplois, c’est l’avis unanime des partenaires sociaux. »
A noter que le secrétariat d’État aux Retraites, en charge du dossier, dépend du ministère du Travail.
Le ministre des Relations avec le Parlement a réagi en déclarant :
« Que les gens puissent sortir de la précarité dans laquelle ils sont en train de s’enfoncer, c’est ça la priorité, et pas autre chose. »
Quant à lui, le Premier ministre semble s’en tenir à une position médiane en évoquant le maintien d’une volonté réformatrice, sans donner de calendrier. Le président de la République a eu l’occasion de dire que la réforme des retraites serait relancée avant 2022. Lors de la réunion du groupe LREM du 1er décembre, le Premier ministre aurait cité cette réforme parmi les chantiers des mois à venir.
LE CONTEXTE APPARAIT PEU FAVORABLE A UNE RÉFORME DES RETRAITES
Le contexte politique apparait peu favorable à une réforme des retraites avec une opposition de droite comme de gauche hostile au projet du gouvernement, même si c’est pour des raisons forts différentes. Le parti gouvernemental, LREM, apparait lui-même tiède ou divisé sur la relance du dossier dans l’immédiat[3].
Les organisations syndicales et patronales unanimes ne souhaitent pas retravailler sur cette réforme, là aussi avec des raisons différentes[4].
Selon le secrétaire général de la CFDT, le débat sur la réforme des retraites est « inapproprié » :
« On n’a pas aujourd’hui le temps d’y travailler sereinement, sans tension. D’ici à la présidentielle, il n’y a pas de possibilité de réforme sauf à vouloir une explosion sociale. » (…) « la priorité du moment, c’est la relance économique, la cohésion sociale, la question de l’emploi et du chômage. Il faut se concentrer là-dessus (…) On est encore dans ce moment où on investit dans l’avenir, on n’a pas la mesure de tout ce que cette crise a produit sur les systèmes sociaux ».
LA RÉFORME POURRAIT ÊTRE DIVISÉE EN DEUX PARTIES
Le but du projet de loi est d’instaurer un système universel en abolissant les régimes spéciaux de pension et en cherchant à améliorer le sort de certaines catégories de population (femmes, agriculteurs, etc.).
Selon le Premier ministre, la création de ce régime universel pourrait être « distinguée des mesures qui seront nécessaires au rétablissement de l’équilibre financier du système actuel ».
En effet, les comptes des caisses de retraites se sont « encore dégradé[s] » en 2020 à cause de la baisse des ressources et de la hausse des dépenses.
Le Premier ministre souhaite une concertation avec les organisations de salariés et d’employeurs, en vue de trouver les « moyens de remédier aux déficits prévus ». La question doit être envisagée « à court, moyen et long termes ».
Le déficit des régimes de pension s’est creusé cette année sous l’effet de la récession. Il pourrait atteindre près de 30 milliards d’euros en 2020 (cette estimation reste à confirmer).
Le gouvernement séparerait alors, d’une part, les mesures d’économie[5] (volet paramétrique) et, d’autre part, les mesures d’universalité (volet systémique). Une « réforme paramétrique » consiste simplement à faire évoluer deux variables : la durée de cotisation et l’âge de départ.
Dans cet esprit de réforme des paramètres, la majorité sénatoriale a proposé cet automne, dans le cadre du débat sur le PLFSS 2021, de repousser progressivement l’âge légal de départ à la retraite jusqu’à 63 ans en 2025 et d’accélérer l’allongement de la durée de cotisations pour atteindre 43 annuités dès la génération 1965, afin d’assurer l’équilibre des régimes de retraite dès 2030. Cette idée a été rejetée par le gouvernement.
[1] Devant la crise sanitaire, l’ACOSS a eu une levée exceptionnelle de son plafond d’emprunt jusqu’à 70 milliards d’euros (au lieu de 39 milliards) afin de compenser les pertes liées au gel des cotisations sociales pour les entreprises pendant la durée du confinement. L’Unédic de 10 milliards d’Euros.
[2] Les recettes sont simples. D’une part, la politique menée doit contribuer à faire baisser progressivement le taux de chômage pour atteindre le plein emploi. Les moyens pour y parvenir restent évidemment à redéfinir. D’autre part, l’Etat doit prendre à sa charge une part de la dette des régimes sociaux pour assurer la survie de ceux-ci. Car on peut avoir, en cette fin d’année 2020, des inquiétudes sur notre système social dans son ensemble.
[3] La porte-parole de LREM ne veut pas « donner le sentiment que la réforme doit s’interrompre parce qu’il y a une crise sanitaire ».
[4] La longue grève à la RATP et à la SNCF de la fin 2019 au début 2020 témoigne des difficultés.
[5] Le ministre de l’Économie lie la réforme des retraites au remboursement de la dette.
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