LES INSCRIPTIONS AUTOMATIQUES A FRANCE TRAVAIL EN 2025[1]
Un décret vient de préciser les règles qui organisent l’inscription auprès de l’opérateur France travail, l’orientation des demandeurs d’emploi et le contrat d’engagement.
Il est entré en vigueur au 1er janvier 2025.
Ces modifications concernent les personnes en recherche d’emploi qui demandent leur inscription à France travail.
L’inscription automatique de nouveaux publics sur la liste des demandeurs d’emploi aura un impact sur le nombre des inscrits, mais il est difficile à évaluer précisément, contrairement à ce qui a été annoncé par certains médias.
Par exemple, 42% des bénéficiaires du RSA sont déjà inscrits à France travail. Parmi les 58% autres, il est difficile de savoir combien de BRSA de plus seront ajoutés comme demandeurs d’emploi de catégories ABC ?
L’inscription automatique concerne :
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Les personnes qui demandent le revenu de solidarité active (RSA), de leurs conjoints, concubins ou partenaires auxquels elles sont liées par un pacte civil de solidarité[2],
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Les jeunes en recherche d’emploi sollicitant l’accompagnement d’une Mission locale et
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Les personnes en situation de handicap, sollicitant l’accompagnement d’un Cap emploi.
« Le texte introduit également une nouvelle disposition relative à l’obligation de notification au demandeur d’emploi des décisions d’orientation et de réorientation. »
Il adapte les dispositions réglementaires actuelles relatives[3] au Projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), Contrat d’engagement réciproque, Contrat d’engagement jeunes (CEJ) et Parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) afin de tenir compte de la mise en place du contrat d’engagement unifié.
PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES DES DEMANDEURS D’EMPLOI
La protection des données personnelles des demandeurs d’emploi pose question après les cyberattaques dont les fichiers ont été l’objet.
Les nouveaux traitements de données de France Travail inquiètent la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui vient de préciser ses critiques fin 2024 dans une délibération de manière très explicite[4].
« La CNIL s’inquiète de ce que l’ouverture massive de nouveaux accès au système d’information de France Travail, dans des délais extrêmement contraints, ne soit pas accompagnée par des mesures de sécurité adaptées aux risques, en particulier à court terme. »
« Au regard des violations massives de données ayant récemment affecté certains organismes du secteur social, la CNIL invite le ministère à exiger la mise en œuvre de mesures de sécurité effectives pour l’ensemble des structures du réseau pour l’emploi avant toute mise à disposition de nouveaux outils donnant accès au SI-FT. »
Sans entrer dans le détail, on note que la CNIL a recommandé au ministère du Travail :
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D’une part, de « s’assurer du caractère nécessaire des données collectées au regard des finalités poursuivies » et,
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D’autre part, de « distinguer les catégories de données nécessaires pour chacune des finalités poursuivies »[5].
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Enfin, elle s’interroge sur « le caractère proportionné des durées de conservation pour chacune des données collectées au regard des nombreuses finalités poursuivies et invite le ministère à clarifier ce point ».
Le point essentiel est que la CNIL demande au ministère du Travail de préciser, pour chacun des traitements et finalités, les destinataires des données nécessaires pour l’exercice de leurs missions.
Le choix des personnes susceptibles d’accéder aux données, compte tenu de leur structure, apparait crucial.
UN DÉCRET RELATIF AU SYSTÈME D’INFORMATION DE L’OPÉRATEUR FRANCE TRAVAIL
France Travail met en place des traitements de données personnelles qui impliqueront des partages de données des demandeurs d’emploi avec différents organismes, tous décrits dans un décret du 31 décembre 2024.
Ce décret[6] vient préciser les modalités relatives aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre par l’opérateur France Travail et par d’autres acteurs du champ de l’emploi, de l’insertion et de la formation professionnelle[7].
« Le texte modifie plusieurs traitements de données à caractère personnel, notamment celui relatif au système d’information de l’opérateur France Travail, afin d’assurer la mise en œuvre du nouveau parcours rénové d’accompagnement des demandeurs d’emploi créé par la loi pour le plein emploi. »
« Il modifie les finalités de ce traitement, les catégories et la durée de conservation des données enregistrées, ainsi que ses modalités de mise en œuvre. »
LA CNIL CRITIQUE LA PROCÉDURE ADOPTÉE PAR LE MINISTÈRE
La CNIL critique la procédure et les délais qui lui ont été imposés pour apprécier le contenu de ce décret.
Elle espère pouvoir suivre ce dossier dans les prochains mois.
« Au regard des conditions de saisine et notamment des délais laissés pour son analyse, l’avis de la CNIL et l’absence d’observation de sa part sur certaines dispositions du projet de décret, ne sauraient préjuger de la licéité de l’ensemble des traitements concernés. » – Délibération de la CNIL.
PARTAGE DES DONNÉES ET INFORMATIONS SELON LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Le sujet renvoie à la décision du Conseil Constitutionnel de fin 2023 censurant le partage des données et informations.
Dans la loi sur le plein emploi, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions autorisant les personnes morales constituant le « réseau pour l’emploi » à partager entre elles certaines informations.
« Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel des dispositions. Le Gouvernement tiendra évidemment compte de cette décision s’agissant du partage des données et informations dans le cadre de la mise en place du réseau pour l’emploi. » Ministère du Travail – 14/12/23
Le Conseil constitutionnel relève que le législateur « a permis que des données à caractère personnel, y compris de nature médicale, soient communiquées à un très grand nombre de personnes », sans « qu’aucune garantie n’encadre ces transmissions d’informations ».
Le Conseil « déduit de tout ce qui précède que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et les déclare donc contraires à la Constitution ».
[1] Décret n° 2024-1242 du 30 décembre 2024 relatif à l’inscription, à l’orientation et au contrat d’engagement des demandeurs d’emploi
[2] Cas particuliers : le texte prévoit les adaptations dans les territoires où la compétence de gestion du Revenu de Solidarité Active a été recentralisée en confiant l’orientation des BRSA à l’opérateur France Travail (comme les Pyrénées-Orientales et la Seine-Saint-Denis – décret du 4 mars 2022).
[3] Le texte prévoit également l’adaptation des procédures relatives à l’orientation des bénéficiaires du revenu de solidarité active dans le code de l’action sociale et des familles, notamment en cas d’information manquante ou lorsqu’un bénéficiaire du revenu de solidarité active déménage dans un autre département.
[4] Délibération n° 2024-088 du 5 décembre 2024 portant avis sur un projet de décret relatif au système d’information de l’opérateur France Travail et portant diverses dispositions relatives aux traitements de données à caractère personnel dans le champ de l’emploi, de l’insertion et de la formation professionnelle. JORF n°0001 du 1 janvier 2025 Texte n° 103
[5] « Les traitements impliquent la collecte à grande échelle de données particulièrement nombreuses, parmi lesquelles des données relevant de catégories particulières de données : des données dites sensibles (celles relatives notamment à la santé), des « données relatives à des condamnations pénales, infractions ou mesures de sûreté connexes », ainsi qu’à des données dites « hautement personnelles » (données bancaires). Le responsable de traitement devra veiller à collecter et traiter ces données avec la plus grande précaution et en apportant des garanties particulières. »
Par ailleurs, « La CNIL observe que le traitement concerne des personnes vulnérables mineures et en situation de handicap. A cet égard, conformément à l’article 12 du RGPD, la délivrance de l’information doit être adaptée aux situations des personnes concernées. »
[6] Décret n° 2024-1268 du 31 décembre 2024 relatif au système d’information de l’opérateur France Travail et portant diverses dispositions relatives aux traitements de données à caractère personnel dans le champ de l’emploi, de l’insertion et de la formation professionnelle.
[7] « Le texte entre en vigueur immédiatement, à l’exception des dispositions du premier alinéa de l’article R. 5312-44 du code du travail qui entrent en vigueur le 1er juillet 2026. »
Publics concernés : demandeurs d’emploi ; demandeurs et bénéficiaires du revenu de solidarité active ; salariés ; employeurs ; opérateur France Travail ; membres du réseau pour l’emploi.
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