En encourageant la monté en nombre des effectifs de volontaires en service civique, dans un contexte de maitrise du nombre des emplois dans le secteur non marchand (associatif et public), la substitution de missions de service civique à certains types d’emplois, existants ou nouveaux, semble avoir nettement progressé.
LA MONTÉE EN EFFECTIFS DU SERVICE CIVIQUE JOUE SUR LA NATURE DES MISSIONS PROPOSÉES
Le Conseil économique social et environnemental (CESE) vient de dresser un bilan[1] de la mise en œuvre du service civique[2] qui a pris, depuis presque 7 ans, la place du service civil volontaire, lui-même mis en place après la suppression du service militaire. Le nombre de services civiques proposés et effectués augmente en passant de 34 000 missions réalisées en 2014, à 70 000 en 2015 et vient d’atteindre les 200 000 services civiques depuis l’origine.
Le CESE juge que le service civique remplit sa mission de renforcement de la cohésion sociale en permettant à des jeunes de servir le pays en accordant du temps, de l’énergie à un projet collectif, et qu’il doit être pérennisé[3].
Tout en maintenant le caractère volontaire du service, François Hollande a promis de le rendre « universel », c’est-à-dire de garantir à chaque jeune qui en fait la demande une mission au service des autres. Cette universalité promise nécessite à la fois de disposer d’une offre en missions et des moyens financiers correspondants tant au niveau de l’État[4] que des structures d’accueil (pour lesquelles l’accueil d’un jeune représente un cout significatif : encadrement, frais, part de l’indemnité…).
Le budget alloué a augmenté de 234 millions d’euros en 2015 à 301 millions en 2016 et un montant programmé de 390 millions d’euros au budget 2017.Ce budget apparait faible par rapport au nombre de candidatures des jeunes. Encore faut-il préciser que le nombre de candidatures en ligne ne correspond pas à la réalité de la détermination des jeunes à s’engager dans une mission. Le chiffrage des candidatures adopté est un argument de pression de la part d’acteurs du secteur, mais il est illusoire.
Le CESE vient d’estimer le budget nécessaire au développement du service civique à hauteur d’un milliard d’euros pour 350 000 volontaires en service civique. C’est-à-dire l’objectif fixé en mars 2015 à l’horizon 2018, par le Président de la République, François Hollande.
Diverses questions se posent par rapport à la place du service civique parmi les dispositifs existants ou à venir. La mixité sociale parait à peu près respectée, les femmes sont un peu plus nombreuses que les hommes (58/42). Les jeunes d’outre-mer sont surreprésentés.
CERTAINES OFFRES DE SERVICE CIVIQUE RESSEMBLENT FORT À DES OFFRES D’EMPLOI
Il apparait que pour un employeur public ou associatif[5] une mission de service civique peut parfois se substituer, à moindre coût,
- à un stage (indemnisé à partir d’une durée de deux mois sans aide de l’État) ou
- à un emploi (rémunéré selon le Code du travail).
« Le libellé de certaines offres de missions de service civique est parfois proche de celui d’une offre d’emploi, tant sur le contenu de la mission que sur les compétences recherchées » (étude CESE).
Il suffit de consulter les offres de missions mises en ligne pour le constater de manière claire.
En particulier, les ministères et les collectivités territoriales ont été vivement incités par l’État à proposer des missions de service civique. « Certains ont pu assimiler le service civique à un contrat aidé » (Etude CESE).
UN CONTRÔLE APPARAIT NÉCESSAIRE POUR BLOQUER TOUTE OFFRE D’EMPLOI PROPOSÉE SOUS STATUT DE SERVICE CIVIQUE
L’Agence du service civique (ASC) ne joue pas pleinement son rôle de contrôle de la qualité des missions proposées alors qu’elle devrait « contrôler et évaluer la mise en œuvre du service civique »[6] selon le texte.
La demande par le CESE d’une « autorité indépendante de contrôle » d’une éventuelle dérive ou substitution à l’emploi semble donc assez bizarre. C’est à l’ASC qu’il revient de développer le service civique tout assurant le contrôle du respect des principes de celui-ci. L’accompagnement des structures d’accueil proposant des missions de service civique doit être effectif ; et certaines des offres doivent être refusées de manière à faire disparaitre toute ambiguïté.
Faute d’une moralisation rapide du dispositif[7], le service civique serait inévitablement condamné à terme à disparaitre et des contrats de service civique à être requalifiés en CDI.
L’HYPOTHÈQUE DU RÉTABLISSEMENT D’UN SERVICE MILITAIRE PÈSE SUR LE SERVICE CIVIQUE
Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a fait part de son souhait de remettre en place un service militaire obligatoire d’une durée d’un mois. Il concernerait environ 600 000 jeunes par an et son coût annoncé serait de deux à trois milliards d’euros par an.
Le retour à un système de conscription de ce type, qui reste à confirmer, viendrait sans doute percuter le service civique actuel.
[1] « Service civique : quel bilan ? quelle perspective ? » CESE – 24/05/2017. Cette étude a été corédigé par Julien BLANCHET (groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse – représentant la FAGE) et Jean-François SERRES (groupe des associations) pour la Délégation à la prospective et à l’évaluation des politiques publiques présidée par Michèle NATHAN (groupe CFDT).
[2] La loi du 10 mars 2010 a créé le service civique. Depuis le 1er juillet 2010, il propose à des jeunes de 16 à 25 ans des missions d’une durée de six à douze mois auprès d’associations, de collectivités publiques ou de services publics. Ceux-ci sont indemnisés à hauteur de 580 euros par mois, dont 472,97 euros pris en charge par l’État.
[3] « Le service civique apparaît plus que jamais comme un vecteur précieux d’engagement civique de la jeunesse française et de cohésion sociale » (Étude du CESE).
[4] En 2015, le ministère de la jeunesse et des sports évaluait le coût de l’objectif présidentiel d’un service civique « universel » à 680 millions d’euros.
[5] En 2015, 26 % des volontaires ont réalisé leurs missions dans des structures du secteur public et 73% dans des associations.
[6] Arrêté du 30 décembre 2015 portant approbation de la convention constitutive modificative du groupement d’intérêt public « Agence du service civique ».
[7] « La bonne mise en œuvre du Service Civique doit être assurée, sur le terrain, par des évaluations et contrôles – pour éviter notamment les dérives telles que la substitution à l’emploi – et, au niveau national, par une amélioration du pilotage et des moyens financiers adaptés. » Communiqué de presse du CESE du 17 mai 2017.
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