EN L’ABSENCE DE PROGRÈS SIGNIFICATIFS SUR LE CHÔMAGE, LES JEUX DE COMMUNICATION ONT PRIS LE PAS.
La communication sur l’emploi et le chômage pose de nombreuses questions. Elle est conduite par une principale motivation qui apparait de nature politique.
Les statistiques sur le nombre de chômeurs (inscrits à Pole emploi) ou le taux de chômage (Insee) comme la mesure du nombre des emplois dans le privé et le public, sont du ressort de l’Etat. Quelques producteurs de données se trouvent à la marge comme l’Unédic à propos de l’indemnisation chômage.
La maitrise de la communication sur ces chiffres est un enjeu. Exemple : dès 2017, la ministre du Travail a ainsi été modifié le calendrier des publications, comme la nature des chiffres considérés (moyenne trimestrielle). On en parle moins.
La production des données est, elle aussi, choisie pour adoucir les résultats. Exemple : on publie des chiffres concernant la France métropolitaine ou la France entière avec l’outre-mer (qui sont plus élevés par définition).
En 2017 et 2018, l’augmentation de la population active a absorbé les créations de nouveaux emplois, sans que le chômage diminue de manière significative, le jeu se concentre donc pour les politiques sur la communication.
Par rapport à ce constat, le discours du gouvernement sur la baisse du chômage est relayé par certains médias à la recherche de « bonnes nouvelles ». Il a un impact sur l’opinion qui pense que « le chômage baisse doucement ». Ce qui n’est pas exact si l’on regarde globalement les chiffres sur l’année écoulée, en dehors d’un très léger recul en catégorie A. Le taux de chômage n’a baissé que de 0,1% sur un an.
CONSÉQUENCE : LE CHÔMAGE SEMBLERAIT DEVENIR UNE PRÉOCCUPATION SECONDAIRE DES FRANÇAIS
Le chômage est arrivé en tête des préoccupations des Français jusqu’à ce que le thème du pouvoir d’achat vienne le devancer dans les sondages d’opinion (un impact « Gilets jaunes »)[1].
Mais il garde une bonne seconde place dans les préoccupations des Français. Il faut rappeler qu’un français est inscrit à Pôle Emploi, ce qui traduit la réalité du chômage de masse.
La contestation civique et sociale de ces derniers mois a été portée principalement par des personnes en emploi (et des retraités). Force est de constater que la participation des chômeurs ou de leurs associations n’a pas été déterminante.
On assiste donc sans que cela soit voulu à une espèce fracture entre « français en emploi » (salariés ou indépendants) et « actifs sans emploi », c’est-à-dire chômeurs.
Conséquence : la question du chômage ou de l’emploi n’apparait pas parmi les revendications de la nébuleuse des « gilets jaunes » ni dans les thèmes du « grand débat »[2].
LA DEMANDE DE POUVOIR D’ACHAT DES PERSONNES EN EMPLOI SEMBLE DÉBOUCHER SUR DES PROJETS DE BAISSE DE LA SOLIDARITÉ ENVERS LES SANS EMPLOIS
Simultanément, le gouvernement :
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Prépare une réduction de l’indemnisation chômage de plusieurs milliards d’euros (qui sera effective à l’été 2019),
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Renforce les contrôles pour tenter de multiplier les radiations de Pôle emploi,
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Envisage la condamnation des bénéficiaires du RSA à une peine de travail d’intérêt général obligatoire.
Une demande implicite, et parfois explicite, émerge pour souhaiter que les travailleurs en activité, en particulier les bas salaires, gagnent davantage, tandis que les actions de solidarité seraient réduites.
Des responsables politiques abondent dans ce sens, comme le Premier ministre.
Le chômage de masse est « supporté » grâce à une présence d’amortisseurs sociaux ? dont l’indemnisation chômage. Si ceux-ci viennent à être diminués, il est à prévoir que cela provoquera, tôt ou tard, des ruptures et des contestations sociales et politiques.
TOUS SE PASSE COMME SI L’ACCEPTATION DU CHÔMAGE DE MASSE ÉTAIT ACTÉE[3], comme un caractère permanent de notre société de manière consensuelle pour les années à venir.
Alors que le taux de chômage[4] en France reste beaucoup plus élevé (à 8,8%) que celui de nombreux pays de l’Union européenne.
Un chômage, persistant, massif et pour près d’une moitié de longue durée ne peut être accepté sur le plan économique, social et politique.
[1] « Le changement est très net dans les sondages, la première préoccupation est désormais le pouvoir d’achat alors qu’auparavant, le chômage arrivait en tête » Bernard Sananes, Président de l’institut Elabe.
[2] « La lutte contre le chômage doit être notre grande priorité, et que l’emploi se crée avant tout dans les entreprises, qu’il faut donc leur donner les moyens de se développer » in « Lettre aux Français » du président de la République. Mais cette phrase ne débouche sur aucun débat.
[3] « Dans notre pays, quand le taux de chômage se rapproche des 8,7 % ou 8,5 %, il apparaît comme normal. Ce qui révèle la préférence des Français pour le chômage de masse » (…) « La France est comme anesthésiée face au chômage. Comme si, de toute façon, c’était une fatalité ; comme si on ne sentait plus la douleur, grâce notamment aux amortisseurs sociaux… ». Bertrand Martinot, économiste.
[4] Nombre de demandeurs d’emploi à la population active calculé selon les règles du BIT par l’Insee.
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