Une analyse des évolutions de la politique de formation vient d’être publié par Bertrand Martinot. Il analyse des avancées du gouvernement en matière de formation professionnelle et d’apprentissage dans le cadre d’une série d’article de bilan par secteur publiées par l’Institut Montaigne.
Martinot dispose d’une expertise judicieuse sur ces questions puisqu’il a été DGEFP de 2008 à 2012, puis Directeur général adjoint de la région Ile-de-France en charge du développement économique, de l’emploi et de la formation jusqu’en 2019[1].
La loi du 5 septembre 2018 pour « la liberté de choisir son avenir professionnel (LCAP) » s’est appliquée depuis 2019.
Il constate les avancées concernant le nombre des apprentis en 2020 et la croissance des recours au CPF.
Mais aussi les faiblesses qualitatives et financières des dispositifs qui ont été promus.
L’auteur le résume de la sorte :
« Au-delà des questions de volumes (nombre d’apprentis, recours au CPF), c’est le travail sur la qualité des dispositifs de formations, couplé d’une réflexion sur le financement du modèle, qui doit désormais être mené. » Bertrand Martinot
Enfin, il évoque un certain nombre de pistes encore ouvertes.
DE RÉELS PROGRÈS QUANTITATIFS SONT A NOTER.
La hausse du nombre des apprentis, au-delà des 500 000 en 2021, s’est effectivement produite en raison de deux incitations :
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Des mesures de la réforme et
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Des aides financières à l’apprentissage, mais ayant un caractère temporaire, jusqu’à fin 2021.
La hausse du nombre de CPF est due à un système lié à « une ambition forte de simplification et d’accélération » débouchant sur une approche quantitative non contrôlée.
D’UNE PART, UNE RÉFLEXION SEMBLE S’IMPOSER SUR LA QUALITÉ DES FORMATIONS ET DE L’ALTERNANCE.
« L’avenir devra relativiser la question des volumes (nombre d’apprentis, recours au CPF) pour se concentrer sur une réflexion autour des dispositifs au niveau qualitatif. » – Bertrand Martinot.
Le poids du contexte est important. La situation de l’insertion des jeunes en France reste moins bonne que dans les pays voisins : taux d’emploi des jeunes 18/25 faible, prolongation d’études utiles ou non et taux de chômage fort.
Par exemple, le Compte Personnel de Formation (CPF) débouche, dans la majorité des cas, sur des formations non qualifiantes.
La question d’un contrôle éventuel de l’accès au CPF se pose aux partenaires sociaux.
D’AUTRE PART, LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE FORMATION N’EST PAS PERENNE.
Son progrès a été assurée par le PIC et par le Plan de Relance en 2020 :
« Ce travail sur la qualité des formations doit se coupler d’une réflexion sur le financement du modèle, dont la dérive importante mais prévisible soulève la question du financement et donc du niveau de contribution des entreprises. » – Bertrand Martinot
Le financement de France Compétences, l’organisme régulateur de la formation professionnelle, apparait insuffisant depuis le début.
Le déficit de France compétences pourrait atteindre 3 milliards d’euros en 2021, après plus de 4 milliards en 2020, notamment du fait des progrès du CPF.
Le financement du CPF ne semble permettre sa montée en nombre sans changement du financement. Or, ce problème avait été signalé depuis le départ de cette formule de CPF !
ENFIN, LA PROGRESSION DE L’APPRENTISSAGE MÉRITE D’ÊTRE ANALYSÉE.
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D’une part, elle repose en grande partie sur la diminution brutale du nombre des contrats de professionnalisation.
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D’autre part, la croissance s’est concentrée sur les contrats vers des diplômes post bac. C’est une bonne chose dans la mesure où cela donne une image de marque plus forte à l’apprentissage.
Leur nombre des jeunes apprentis visant des diplômes de niveaux infra-bac, s’est maintenu, mais sans la progression des contrats post-bacs.
La question de la concurrence entre CFA et lycées professionnels demeure identique. Cela ramène à des propositions déjà anciennes de transfert des lycées pro aux Régions[2], avec en arrière-plan un affrontement ancien entre ministère du Travail et de l’Éducation nationale.
Des pistes sont rappelées par Bertrand Martinot :
« L’apprentissage doit progresser via une coopération structurée et organisée entre les régions et les principales branches professionnelles. »
Il faudrait sans doute y ajouter comme partenaires, les entreprises elles-mêmes, grandes, ETI ou PME, au-delà de leurs organisations représentatives.
[1] Il est actuellement directeur du conseil en formation et développement des compétences chez SIACI SAINT HONORE
[2] « Le transfert de la compétence pleine et entière sur les lycées professionnels aux régions, l’élaboration d’une carte des formations professionnelles initiales et l’organisation de la coopération entre ces deux voies de formation, sous l’autorité ou l’impulsion des régions, sont également des mesures indispensables pour en finir avec la concurrence entre CFA et lycées professionnels qui est la raison essentielle de la trop faible proportion de jeunes en formation professionnelle initiale de niveau bac et infra bac qui passent par l’apprentissage. » – Bertrand Martinot
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