La représentation patronale mérite d’être revue en fonction des réalités de terrain pour favoriser les politiques de l’emploi.
LA REPRÉSENTATION PATRONALE MÉRITE D’ÊTRE REVUE EN FONCTION DES RÉALITÉS.
La version initiale de l’avant-projet de loi « travail » prévoit en son article 20 une modification des critères de représentativité des organisations patronales. Ces critères ont été définis par la loi relative à la formation professionnelle du 5 mars 2014, suite à un accord unanime des organisations patronales. Dans ce texte de loi, le choix avait été fait, de privilégier comme critère de représentativité le nombre d’adhérents à chaque organisation patronale, plutôt que d’organiser des élections (en particulier pour la désignation des juges prud’homaux, comme cela était le cas antérieurement).
L’article 20 de la loi « travail » en gestation remet en cause les critères de représentativité des organisations patronales.
Ces dispositions concernent d’une part les organisations « interprofessionnelles », c’est-à-dire :
- Le Mouvement des entreprises de France (Medef),
- La Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) et
- L’Union Patronale Artisanale (UPA).
D’autre part, il existe d’autres organisations patronales nationales dites « multiprofessionnelles », c’est-à-dire présente dans de multiples secteurs, mais pas dans la quasi-totalité. C’est le cas de :
- L’Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL),
- La Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) ou de
- L’Union Des Employeurs de l’Economie sociale et solidaire (UDES)
Ces dernières organisations ne sont pas prises en compte dans les négociations nationales ou dans la représentation paritaire qui n’est ouverte qu’aux organisations « interprofessionnelles ». Elles restent en marge du dialogue social. La représentation d’usage reste, jusqu’au 1er janvier 2017, de 60% pour le Medef, 30% pour la CGPME et 10% pour l’UPA.
Cette distinction entre organisations « interprofessionnelles » d’une part et « multi professionnelles », d’autre part, pose un problème de fond puisqu’une part des représentants des employeurs ne sont pas représentés dans le système paritaire.
Pour prendre un exemple précis, le secteur de l’économie sociale n’a pas été associé aux mesures en faveur de l’emploi et n’a pas bénéficié du CICE. Les associations ne devraient bénéficier qu’à partir de 2017 du passage du CICE à la baisse des cotisations sociales. Ce type d’« oubli » est lié au fait que les entreprises de l’économie sociale ne sont représentées ni par le Medef ni par la CGPME ni par l’union patronale artisanale…
Or, l’économie sociale regroupant les associations, les mutuelles, les coopératives, les fondations, etc. emploie plus d’un salarié sur 10. Ce secteur mériterait d’être représenté en fonction de son importance sur le marché du travail.
Pour citer un second exemple, le secteur des professions libérales, auquel appartiennent et professions réglementées, n’a pas été défendu par le Medef dans le débat sur la loi Macron.
La représentation patronale mérite d’être revue en fonction des réalités des secteurs professionnels.
C’est déjà plus ou moins le cas au niveau de la formation professionnelle, où les secteurs patronaux ne dépendant pas des organisations interprofessionnelles, disposent d’OPCA dédiée : pour l’économie sociale (Uniformation, etc.), pour le secteur agricole (Fafsea) ou pour les professions libérales (Opca PL).
LA REPRÉSENTATIVITÉ PATRONALE CONSTITUE UN ENJEU IMPORTANT
La représentativité patronale constitue une question importante dans la mesure où elle conditionne :
- La répartition des financements publics aux organisations patronales (83 millions d’euros),
- La possibilité de signer des accords nationaux et
- La représentation dans les divers organismes paritaires.
La représentation patronale influe directement sur toutes les décisions prises par les partenaires sociaux et en particulier celles ayant un impact direct ou indirect sur l’emploi. Les questions concernant l’emploi sont différentes sur bien des points au sein d’un grand groupe industriel, dans une moyenne entreprise de 150 personnes, chez un artisan, dans une association de 48 salariés ou dans un office notarial. Il semble de bon sens d’en tenir compte au mieux.
LE MEDEF A L’AMBITION D’ASSURER L’ESSENTIEL DE LA REPRÉSENTATION PATRONALE.
Le Medef a tenté d’absorber la CGPME au début des années 2010. Il a échoué dans ce projet.
Faute d’avoir réussi, le Medef a accentué ses efforts de lobbying afin de disposer d’une place dominante dans la représentation patronale. Pour cela, il défend un mode de représentation basé sur les effectifs des entreprises, plutôt que sur le nombre des entreprises, ce qui privilégie évidemment le Medef dont les grandes entreprises sont membres[1] .
Suite à l’adoption de la loi du 5 mars 2014, et des textes d’application qui en découlent, le Medef a déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel mettant en cause la représentativité établie en tenant compte du nombre de membres de chaque organisation patronale. Ce recours a été rejeté.
Le Medef a passé un compromis avec la CGPME pour faire évoluer les règles de représentation patronale qui a débouché sur la rédaction de l’article 20 de l’avant-projet de loi « travail »[2]. Celui-ci prévoit en effet que la représentativité des organisations patronales se base essentiellement (pour 80 %) sur les effectifs des entreprises adhérentes et, seulement pour 20 % sur le nombre des entreprises adhérentes à l’organisation patronale.
Les dispositions de l’article 20 de la loi « travail » conduiraient mécaniquement à donner au Medef, et marginalement à la CGPME, l’essentiel de la représentation patronale, avec les avantages qui en découlent.
LA DÉFENSE DES DISPOSITIONS DE LA LOI DE 2014 S’ORGANISE
Les organisations patronales victimes potentielles de ce nouveau mode de définition de la représentativité patronale (c’est-à-dire ayant de nombreux adhérents) se sont regroupées pour dénoncer l’article 20 de l’avant-projet de loi « travail » et demander le maintien des critères prévus par la loi de 2014.
Ainsi, l’UPA, l’UNAPL, la FNSEA et l’UDES ont écrit, fin février, à la ministre du Travail pour lui demander de ne pas revenir sur les dispositions relatives à la représentativité patronale adoptée en 2014.
Le report annoncé de la présentation de ce projet de loi en conseil des ministres à la fin du mois de mars permettra probablement d’apporter des modifications au texte en fonction des réactions qu’il a suscitées.
L’article 20 concernant la représentativité patronale pourrait être modifié ou même supprimé à cette occasion avant tout examen parlementaire.
[1] Pour mémoire, les grandes entreprises sont réunies au sein de l’Association Française des Entreprises Privées (AFEP) pour défendre leurs intérêts particuliers.
[2] Le Medef et la CGPME sont imbriqués dans la mesure où une part des fédérations de branche adhèrent aux deux organisations à la fois avec des clés de cotisation propres. Les dispositions de l’article 20 de la loi « travail » avec comme critères : 80% pour les effectifs et 20% pour le nombre des adhérents, a, semble-t-il, été jugé acceptable par la CGPME. Elle s’accompagne probablement de la répartition implicite des adhérents communs…
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