LES MISES EN CAUSE DE LA RESPONSABILITÉ DES DEMANDEURS D’EMPLOI DANS LE CHÔMAGE SE MULTIPLIENT
Le président de la République vient de confirmer son souhait d’un renforcement des contrôles des demandeurs d’emplois, selon des modalités à définir[1].
Cette déclaration est dans la veine de son programme présidentiel.
Le porte-parole du gouvernement, en intervenant à propos de la mise en place de « l’allocation chômage universelle », a estimé à propos de l’attribution des allocations chômage aux démissionnaires, qu’elles n’impliquaient pas “de partir deux ans en vacances”[2]. Cette proposition révèle son opinion sur des chômeurs indemnisés qui abuseraient du système. Elle induit un doute pour le moins désagréable à l’égard des actions de recherche des demandeurs d’emploi.
Le président du MEDEF a présenté mardi 17 octobre ses propositions pour l’assurance chômage concernant l’élargissement des bénéficiaires, la gouvernance, les financements, etc. À propos des demandeurs d’emploi, il affirme d’abord que « L’assurance-chômage est un outil indispensable pour sécuriser les salariés en transition, mais il faut que le système soit incitatif à la reprise d’emploi et aide réellement à retrouver un emploi »[3]. Cette dernière affirmation apparait tenable, mais à partir de là il indique qu’il souhaite, en particulier, voir renforcer les contrôles sur les chômeurs et évoque une périodicité journalière[4].
LA FABLE DES OFFRES NON POURVUES A LA VIE DURE
Le président du Medef revient sur le thème classique et bien rodé des offres non pourvues et des employeurs en manque de candidats. Cette fable récurrente a été contredite depuis des années et le reste.
Il est toujours possible de citer des témoignages d’employeurs ne trouvant pas de candidats, mais il existe une analyse de la typologie de ces cas de postes non pourvus : contrats très courts à recrutement presque immédiat, « moutons à cinq pattes »[5], absence de démarche réelle et sérieuse de recrutement (absence d’un recruteur au sein de l’entreprise, absence d’un budget de recrutement…), profils rares recherchés, offres d’emploi à des salaires et des conditions de travail très peu attractives, etc.
Par ailleurs, les statistiques publiques attestent du fait que la majorité des entreprises ne déclarent pas aujourd’hui d’intentions de recrutement.
Les problèmes de recrutement qui existent actuellement se concentrent sur le secteur du numérique au sens large et la fonction commerciale.
Globalement, il n’existe pas des millions d’offres d’emploi non pourvues pour faire baisser le chômage de masse.
CES CRITIQUES A L’ÉGARD DES DEMANDEURS D’EMPLOI ONT NATURELLEMENT SUSCITES DES RÉACTIONS
Face à de tels propos (renforcement des contrôles, « chômage vacances » oucontrôle journalier), les réactions ont été nombreuses : réactions de principe[6], arguments techniques[7] et indignation[8].
Ces propos du gouvernement et du Medef peuvent annoncer le risque d’une réduction des droits à l’indemnisation chômage de demandeurs d’emploi.
De l’ordre de 3 300 000 demandeurs d’emploi bénéficie d’une indemnisation[9], dont environ 2 750 000 de l’assurance chômage et 550 000 de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) en fin de droits, etc.
LE CONTRÔLE DE LA RECHERCHE D’EMPLOI DES INSCRITS A POLE EMPLOI EXISTE DÉJÀ.
Les demandeurs d’emploi doivent effectuer « une recherche d’emploi active, concrète et justifiable au moyen de preuves ». Au cas où ils refuseraient à deux reprises sans motif légitime une « offre raisonnable d’emploi (ORE) »[10], ils peuvent être radiés de Pôle Emploi et de perdre leur allocation chômage.
L’expérience démontre que les contrôles ne conduisent pas à un nombre élevé de radiations, dans la mesure où elles sont complexes à mettre en œuvre. La mise en rapport entre le projet professionnel du demandeur d’emploi, la localisation de l’emploi et le niveau de salaire proposé par rapport aux postes en cours de recrutement n’a en effet rien simple (en dehors de quelques métiers).
Pôle emploi a généralisé le contrôle de la recherche d’emploi, a mis en place des équipes dédiées de conseillers dont le contrôle est la fonction et a récemment augmenté leurs effectifs. Ce système combat les abus de situation.
LE PUBLIC CIBLE DE L’ACCOMPAGNEMENT VERS L’EMPLOI DEVRAIT ÉVOLUER
Il semble difficile d’aller beaucoup plus loin en termes de contrôle. Le contrôle de plus de 3 000 000 de personnes indemnisées, voire de plus de 6 000 000 d’inscrits à Pôle Emploi ne peut être journalier ou hebdomadaire… Un suivi quotidien n’est pas tenable face à une population de cette importance.
L’accompagnement des chômeurs les plus déterminés à retravailler rapidement apparait comme la réelle priorité d’une nouvelle politique de l’emploi.
Le but étant de diminuer le nombre des chômeurs, le nombre de personnes indemnisées par des retours plus nombreux sur le marché de l’emploi. Cette option appelle un changement de politique.
[1][1] « Il faut qu’on s’assure qu’ils recherchent bien de manière active un emploi, il faut vérifier les efforts qui sont faits, et vérifier que ce n’est pas un multirécidiviste du refus » (…) « Donc je ne veux plus qu’il y ait d’effet d’aubaine ». (Emmanuel Macron)
[2] “C’est une forme de liberté. Mais la liberté, c’est vers quelque chose. Ce n’est pas de se dire : ‘Finalement, je vais bénéficier des allocations-chômage pour partir deux ans en vacances’”. (Christophe Castaner)
[3] Il complète sa pensée en précisant :« Il ne faut pas qu’il donne un confort fictif qui entraîne encore plus de difficultés quand il prend fin. » (Pierre Gattaz)
[4] « Il faut peut-être réfléchir à une forme de contrôle journalier. Il ne doit plus être possible qu’un demandeur d’emploi refuse 4 ou 5 offres correspondant à son profil sur son bassin d’emploi. Il faut renforcer les contrôles qui ne doivent pas nécessairement être réalisés par des conseillers Pôle emploi, mais par des contrôleurs » (Pierre Gattaz)
[5] Mon exemple favori est cette offre reçue d’une compagnie pétrolière française qui cherchait, il y a quelques années, un ingénieur spécialisé expérimenté, plongeur sous-marin et parlant russe couramment (anecdote authentique).
[6] « On pense qu’il est plus utile d’accompagner au quotidien les demandeurs d’emploi que de les fliquer tous les jours » (Véronique DESCACQ – CFDT).
[7] « Les déclarations de Pierre Gattaz sont très hasardeuses, On ne peut pas plonger les personnes inscrites à Pôle emploi dans un environnement où le contrôle serait quotidien. En outre, le fait de vérifier que les chômeurs recherchent bien un poste est quelque chose de difficile et de coûteux en moyens humains. » (Le Monde – Bertrand Martinot, directeur général adjoint des services, développement économique, de l’emploi et de la formation de la Région Ile-de-France et ex-délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle).
[8] « M. Gattaz nous renvoie cette sempiternelle tarte à la crème des chômeurs comme profiteurs du système. Sur ce, il faut bien reconnaître que M. Gattaz est un expert en matière de profiteur du système, lui qui a arraché au gouvernement et finalement volé à l’ensemble des Français jusqu’à 40 milliards de CICE, entre 2012 et 2017. Tout ça en échange soi-disant de la création d’un million d’emplois. Emplois dont on n’a pas vu le début du premier« . Pierre-Edouard Magnan – Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP).
[9] Chiffres DARES – juin 2017
Personnes indemnisées par l’assurance chômage |
Ensemble des personnes indemnisées |
2 748 600 |
3 300 200 |
[10] La définition d’une offre raisonnable d’emploi figure à l’article L. 5411-6-3 du Code du travail.
« Le projet personnalisé d’accès à l’emploi est actualisé périodiquement. Lors de cette actualisation, les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi sont révisés, notamment pour accroître les perspectives de retour à l’emploi.
Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi depuis plus de trois mois, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi compatible avec ses qualifications et compétences professionnelles et rémunéré à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu. Ce taux est porté à 85 % après six mois d’inscription. Après un an d’inscription, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi compatible avec les qualifications et les compétences professionnelles du demandeur d’emploi et rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement prévu à l’article L. 5421-1. Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi depuis plus de six mois, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi entraînant, à l’aller comme au retour, un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, d’une durée maximale d’une heure ou une distance à parcourir d’au plus trente kilomètres ».
Un commentaire to “La radiation de 10% des chômeurs de Pôle Emploi permettrait d’équilibrer le budget de l’assurance chômage…”
19 octobre 2017
Louis CIBONArticle très intéressant sur la réalité des radiations sanctions.
M. MACRON a pour projet, nullement libéral, de nationaliser Pôle emploi, à l’aide de slogans populistes qui visent hélas à culpabiliser les demandeurs d’emplois.
Pourtant, une autre voie serait de rechercher les moyens à donner à Pôle emploi pour améliorer ses services au plus près des réalités de la complexité du marché du travail.