Alors que la mise en place d’un bonus-malus[1] sur les cotisations patronales de chômage des salariés du secteur privé en « contrats courts »[2] est envisagée pour améliorer les comptes de l’assurance chômage, l’attention devrait naturellement se porter sur les « contrats courts » dans les fonctions publiques. Ils sembleraient devoir faire l’objet d’une approche parallèle ou identique. En effet, ils sont plus fréquents dans le public que dans le privé.
LES « CONTRATS COURTS » SONT PLUS FRÉQUENTS DANS LE PUBLIC QUE DANS LE PRIVÉ.
Le dernier « Rapport annuel sur l’état de la fonction publique »[3] présente entre autres un dossier sur la situation des contrats courts, c’est-à-dire des contractuels, par rapport à celui des titulaires dans les fonctions publiques entre 2011 et 2015.
Le nombre et la proportion des effectifs de contractuels entre ces deux dates sont stable. Le dispositif, mis en place en 2012, de transformation des CDD d’une part des agents contractuels en CDI, ainsi que l’accès au statut de fonctionnaire titulaire, devrait prendre fin en mars prochain 2018. Il n’aura pas modifié la proportion des non titulaires dans les effectifs : on est passé de 1 274 000 en 2012 à 1 281 000 en 2015…
Les contrats courts représentent près de 22% des effectifs des fonctions publiques[4], alors que la proportion des CDD dans l’ensemble du secteur privé est de moins de 9%.
C’est ce qui explique que les CDD du secteur public représentent de l’ordre de 40% de l’ensemble des CDD.
Le tableau ci-dessous précise le nombre et la répartition des agents contractuels actifs en 2015 dans les trois fonctions publiques, hors bénéficiaires de contrats aidés[5].
Fonction publique |
Effectifs contractuels[6] |
Part de l’effectif total (%) |
État |
495 100 |
19% |
Territoriale |
516 217 |
25% |
Hospitalière |
269 608 |
21% |
Ensemble |
1 280 925 |
22% |
On observe une part plus importante des effectifs en contrat court dans la fonction publique territoriale, avec près du quart des effectifs.
LES CONTRATS COURTS CORRESPONDENT À CERTAINS POSTES
La typologie des contractuels diffère de celle de l’ensemble des fonctionnaires : 54% sont dans la catégorie la moins élevée de la fonction publique (catégorie C). La proportion des contractuels diminue à mesure que le niveau hiérarchique augmente. Ils sont plus jeunes avec un âge moyen est de 37 ans, contre 45 ans pour les titulaires. Les temps partiels sont plus fréquents pour les contractuels : 38 % contre 16 % les titulaires[7].
LE PASSAGE PAR UN EMPLOI CONTRACTUEL NE CONSTITUE PAS UNE VOIE D’ACCÈS MASSIVE À LA FONCTION PUBLIQUE
Le Rapport présente une analyse du parcours au sein de la fonction publique des contractuels qui y sont entrés en 2011 jusqu’à la fin d’année 2015 :
« L’observation de la situation d’emploi de ces 300 000 contractuels montre que si les passages courts ou inférieurs à 3 ans constituent la majorité des situations, un contractuel sur cinq est devenu fonctionnaire avant fin 2015. Deux ans après leur entrée, plus de la moitié de ces contractuels a quitté la fonction publique et 15 % sont devenus fonctionnaires. »
Ces chiffres dressent le constat que relativement peu de contractuels parviennent à intégrer la fonction publique.
LES CONDITIONS DE RECOURS AUX CDD SONT PLUS FAVORABLES POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS QUE POUR LES EMPLOYEURS PRIVÉS.
Pour la durée, un contractuel peut bénéficier d’un « CDD » jusqu’à six ans. Mais, dans la pratique, les renouvellements vont bien souvent au-delà.
Les contractuels ne disposent pas d’indemnité de précarité[8] ni d’indemnité de congés payés.
D’une manière générale, il semble exclu que l’État fasse payer un quelconque malus aux employeurs publics pour cause d’« abus » dans l’utilisation de contrats courts… Les contrats courts sont de droit privé ou de droit public. Dans le cas des contrats de droit privé, un système de bonus-malus pourrait théoriquement s’appliquer, mais cela reste peu probable. Pour les contrats courts de droit public, l’application d’un malus semble exclue.
Qui imagine que l’employeur « éducation nationale » puisse être « punie » pour le recours à des enseignants contractuels ?
Et pourtant, l’indemnisation chômage des personnes, achevant un contrat court dans l’une des fonctions publiques, devrait intégrer la perspective évoquée d’un régime universel comprenant indépendants et démissionnaires…
[1] Il est envisagé que le taux de cotisation patronale soit actualisé chaque année en fonction de son nombre d’embauches en contrats courts sur les trois années précédentes en fonction des dépenses d’indemnisation chômage qu’il a généré sur cette période. Un malus ou un bonus serait appliqué, selon que l’employeur dépasse ou non la moyenne nationale de recours aux contrats courts.
Le « recours abusif » au CDD devrait être le critère d’application du malus, mais reste à le définir. Il pourrait évidemment dépendre des secteurs (spectacle, hôtellerie-restauration…).
Ce système compliqué et discutable selon les branches reste aujourd’hui en discussion.
[2] La notion de « contrat court » reste à préciser. Il pourrait s’agir des CTT/CDD de moins d’un mois ou des CTT/CDD de moins de 6 mois. Dans les statistiques portant sur l’emploi, les « CDD de plus de 6 mois » sont souvent additionnés aux CDI sous la dénomination d’« emplois stables », même si cela reste discutable !
[3] Rapport annuel sur l’état de la fonction publique – édition 2017 – 06/11/2017 – https://www.fonction-publique.gouv.fr/rapport-annuel-sur-letat-de-la-fonction-publique-edition-2017
[4] Fin 2015, la fonction publique comptait 5,45 millions d’agents, soit environ 25% de l’ensemble des salariés répartis selon le tableau ci-dessous :
Fonction publique | Effectifs | % de l’ensemble de la FP |
État | 2,40 millions | 44 % |
Territoriale | 1,89 million | 35 % |
Hospitalière | 1,16 million | 21 % |
Ensemble | 5,45 millions | 100% |
Les contractuels étaient au nombre de 1,28 million.
[5] Source : Siasp 2011 à 2015, Insee. Traitement DGAFP – Département des études, des statistiques et des systèmes d’information. Champ : Emplois principaux, situés en métropole et DOM (hors Mayotte), hors COM et étranger.
[6] Nombre d’agents ayant occupé un emploi une partie ou la totalité de l’année.
[7] « Les contractuels sont nettement plus souvent concernés que les fonctionnaires par le temps partiel subi » (Rapport).
[8] 10% de la totalité des salaires bruts payés au cours du contrat.
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