LA MOBILITÉ DES SALARIÉS DU PUBLIC VERS LE PRIVÉ, OU L’INVERSE, APPARAIT NÉCESSAIRE POUR LES DEUX SECTEURS
L’évolution des politiques du personnel du secteur privé (80% des salariés) et de la fonction publique (20%) a vocation à être davantage lié, pour assurer une nécessaire mobilité. La séparation entre les deux devrait s’estomper, même si elle ne disparait jamais pour le noyau du domaine régalien de l’État.
Dans cet esprit, la recherche d’une convergence vers l’universalité apparait souhaitable.
Les obstacles à surmonter sont nombreux à commencer par l’éclatement extrême des RH au sein des trois fonctions publiques et du manque d’autorité, de fait, de la DGAFP. Beaucoup de Rapports ont été rédigés concernant les personnels, en particulier par la DGAFP. Ils contiennent de précieuses pistes. Mais leur application tarde (euphémisme !). Un nouveau projet de loi est sur la table[1] et il convient de le commenter.
Le Projet de loi de « transformation de la fonction publique » formalise en partie les orientations politiques précédemment annoncées par le gouvernement en matière de Ressources humaines dans les fonctions publiques. Ce texte encore en discussion, avant sa présentation, en conseil des ministres est donné comme devant être adopté avant l’été.
Ce projet est évidemment à considérer dans le contexte d’une annonce politique de réduction des effectifs de fonctionnaires, qui, même si elle apparait modeste (120 000 postes sur 5,5 millions), provoque de nombreuses réactions.
PLUSIEURS MESURES CONCERNENT LES EMBAUCHES ET LES STATUTS DANS LES FONCTIONS PUBLIQUES.
Ces mesures ont pour objet de permettre un plus fréquent recours à l’embauche de contractuels[2] par rapport à celui des titulaires[3].
Cet objectif répond à un besoin de compétences nouvelles comme implicitement à la diminution du nombre de fonctionnaires titulaires.
Il est question de diversifier les viviers de recrutement dans la haute fonction publique par la voie du contrat (Article 5). C’est-à-dire de recruter des cadres ayant une expérience dans le secteur privé.
Ensuite, un recours plus fréquent au contrat serait facilité par la création d’un nouveau CDD « de projet » d’une durée maximale de six ans, dans les trois fonctions publiques (Article 6). Il serait proche du « contrat de chantier » du secteur privé sans en être tout à fait un !
Enfin, le recours aux contrats à temps partiel dans la fonction publique territoriale serait possible dans toutes les collectivités (il n’est possible actuellement que dans les communes de moins de 1 000 habitants). Il s’agit de diminuer les recours aux vacations (article 8).
D’AUTRES DISPOSITIONS TRAITENT DES MODALITÉS DE SORTIES VOLONTAIRES.
Ensuite, le projet de loi veut créer des conditions favorables à la mobilité vers le privé ou au sein de l’administration (« Mobilité et transitions professionnelles »).
Pour les conditions de sortie de la fonction publique vers le secteur privé, il est question de favoriser la rupture conventionnelle de la relation de travail[4], sur le modèle de celle du contrat de travail, donc ouvrant un droit à l’allocation de retour à l’emploi (ARE) et garantissant la portabilité des droits du compte personnel de formation (CPF) en cas de mobilité public/privé (article 20).
Le projet de loi prévoit un contrôle plus sérieux pour prévenir tout conflit d’intérêts (article 15) du reclassement dans le privé d’agents publics qui partent créer ou reprendre une entreprise et ceux qui quittent de manière définitive ou temporaire le secteur public pour le secteur privé seront.
Il s’agit d’un renforcement du contrôle du « pantouflage » qui serait exercé par la commission de déontologie de la fonction publique (CDFP).
LE CAS DES SUPPRESSIONS DE POSTES EST AUSSI ENVISAGÉ.
En cas de suppression de l’emploi, dans le cadre de restructurations, la mise en place d’un dispositif global d’« accompagnement personnalisé » des agents est prévue devant déboucher sur un « reclassement adapté ».
L’application pratique d’une telle procédure devra évidemment faire ses preuves. Elle dépend évidemment de l’ampleur des restructurations qui pourraient être menées.
LE PROJET S’INTÉRESSE ÉGALEMENT À LA GESTION DES FONCTIONNAIRES SOUS DIVERS ASPECTS.
D’autres mesures du projet de loi concernent la gestion du personnel dont la refonte des instances de dialogue social avec la création d’une instance unique du personnel : le « comité social d’administration », le recentrage des commissions paritaires, l’évaluation[5], la rémunération, la formation, le financement des garanties de protection sociale complémentaire le temps de travail[6], le renforcement de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, etc.
Les réactions des organisations syndicales sont assez vives sur ces différents points.
L’ASPECT QUANTITATIF DES MESURES ÉVOQUÉES CONDITIONNE LEUR EFFECTIVITÉ
Les 120 000 suppressions de postes annoncées d’ici 2022 ne figurent pas dans le projet de loi, même si cet « objectif de gestion » reste officiellement prévu dans le cadre de la réforme. Il est peu engagé sur 2018 et 2019.
Pour tous les points figurant dans le texte, la question en suspens est celle du volume des mouvements de personnel concerné, et donc, la réalité de la mobilité du public vers le privé ou du privé vers le public. On a connu trop souvent, dans la fonction publique, d’ambitieux dispositifs qui n’ont jamais fonctionné au-delà de quelques dizaines de cas.
Si l’on prend un peu plus de recul, on constate que le projet de loi n’avance réellement vers aucun alignement du statut des salariés du public vers ceux du privé pour répondre au principe d’universalité des règles s’appliquant aux salariés de divers employeurs.
Ce projet de loi reste un texte d’ajustement technique. Et sur le plan, des embauches et des départs, il apparait voué à un résultat fort modeste (pour ne pas dire plus…).
Cela n’augure rien de bon quant au contenu, à venir, de la réforme des retraites dont l’une des intentions affichées était d’avancer vers un régime universel entre retraite des salariés du public et ceux du privé, aujourd’hui fort éloignés.
Ce projet de loi « fonction publique » ne semble pas, avant amendement, en mesure d’aboutir à une modernisation de la fonction publique ni dans son contenu ni à cause du caractère improbable de son application.
BILLETS RÉCENTS SUR LA FONCTION PUBLIQUE :
-
Quels secteurs de la fonction publique vont voir leurs effectifs réduits dans les prochaines années ? http://bit.ly/2tWiAS2
-
La réduction des effectifs de la fonction publique territoriale devrait toucher 32 000 ETP. https://bit.ly/2R3wfOD
-
Comment se présente la baisse des effectifs de la fonction publique d’état ? https://bit.ly/2N3doQr
-
La nouvelle politique des RH de la fonction publique se dessine. https://bit.ly/2OerYW2
-
Le rapport entre forces syndicales ne facilitera pas les évolutions RH de la Fonction publique. https://bit.ly/2SGxXoX
[1] Ce projet vient d’être présenté le 14 février 2019.
[2] Le recrutement de contractuels a le plus souvent débouché, cinq ans plus tard, sur des plans de titularisation au nom de la lutte contre la précarité. C’est pourquoi une telle orientation ne présume pas d’une diminution d’effectifs à termes.
[3] Cette mesure aurait évidemment pour conséquence la baisse des recrutements par concours.
[4] « Une expérimentation s’agissant des fonctionnaires de l’État et hospitaliers » sur cinq ans est prévue à compter du 1er janvier 2020.
[5] La discussion sur « la rémunération au mérite » est renvoyée à la loi sur la réforme des retraites (!).
[6] Les régimes dérogatoires à la durée légale du travail (1 607 heures) seraient supprimés (article 17). Mais, cette mesure importante aurait une application progressive…
Pas de commentaire sur “Pourquoi le rapprochement des statuts des salariés du public et du privé demeure un rêve ?”