LE DÉVELOPPEMENT DU COMMERCE EN LIGNE IMPACTE LA GRANDE DISTRIBUTION QUI CONNAIT UNE USURE
La présence et le poids d’Amazon sur le commerce en ligne[1], et d’autres sociétés, pèse sur le commerce en général. La croissance de la vente en ligne et de la livraison à domicile entrainent des changements des habitudes d’achats des clients : « prendre sa voiture et passer des heures à faire ses courses a perdu une part de son attrait pour l’achat de produits connus ».
Le nombre d’hypermarchés, c’est-à-dire d’une surface de plus de 2 500 m², est de l’ordre de 2 200 en France. Des espaces de plus de 8 000 m² ne sont plus ouverts. Ils sont présents sur plus de 850 sites. Leur rentabilité baisse.
Des changements de stratégie de la part des acteurs actuels[2] se poursuivent. Des réponses sont, ou vont être, apportées dans différents domaines[3].
Elles ont un impact sur les emplois. L’évolution des modes de commercialisation conduit des groupes de distribution à revoir les activités des hypermarchés et à diminuer leurs effectifs[4].
UNE ENTREPRISE DE LA GRANDE DISTRIBUTION POURSUIT LA DIMINUTION DE SES EFFECTIFS
Par exemple, chez Carrefour, des suppressions de postes se succèdent. 2 400 postes ont déjà été supprimés, l’année dernière, dans le cadre d’un plan de départ volontaire.
Il est question de supprimer des activités jugées non rentables, dont les secteurs non alimentaires : bijouterie, électroménagère et multimédia[5], mais aussi dans l’organisation : arrière-caisse, service de la paie, encadrement, fonctions administratives et caisses des stations-service. Ce groupe vient d’engager une négociation avec les organisations syndicales pour mettre au point un accord de rupture conventionnelle collective (RCC)[6]concernant 1 500 postes en France, soit 2% des 60 000 salariés[7].
Plus de 500 postes de cadre seraient concernés par ce projet de plan, ce qui est particulièrement significatif.
Des suppressions de postes ont été réalisées et/ou sont programmées par d’autres groupes[8]. Casino a vendu des magasins. Castorama vient ainsi d’annoncer le plan de fermeture d’une dizaine de magasins en France. Le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) prévoit la fermeture de neuf magasins Castorama et deux magasins Brico Dépôt. Ces fermetures concernent 789 salariés. Cette décision a été prise par la Société britannique Kingfisher.
LA RESTRUCTURATION EST ENGAGÉE EN FONCTION DE CHAQUE GROUPE
Le modèle de l’hypermarché de la grande distribution est en cause et il apparait en changement rapide. Par exemple, chez Carrefour, le recentrage de l’activité porte sur trois points :
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L’e-commerce alimentaire avec de nouvelles plateformes de préparation de commandes industrialisée[9],
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La généralisation du modèle de « drives », c’est-à-dire de points de retrait des courses commandées en ligne.
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Le développement sur des magasins de proximité en ville ayant aussi une fonction de drives. Carrefour a programmé 3 000 ouvertures de magasin à horizon 2022.
L’enjeu pour la grande distribution est de gagner la « bataille de la livraison » contre Amazon à l’aide d’outils numériques et de robots, mais aussi de personnels.
D’AUTRES BESOINS DE PERSONNELS APPARAISSENT DANS LA GRANDE DISTRIBUTION
Cette évolution en cours de l’offre de services produit d’autres besoins en personnel :
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De nouvelles activités dans les hypermarchés demandant des compétences.
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Des profils, venant du monde numérique, sont nécessaires pour travailler dans l’e-commerce qui est une activité industrielle.
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Des logisticiens doivent créer des plates-formes performantes et pouvoir faire fonctionner une véritable une industrie de stockage, de plus en plus robotisé qui se développe[10].
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La mobilisation de partenaires technologiques apparait indispensable dans plusieurs domaines comme le paiement mobile, l’intelligence artificielle, le traitement de la donnée, etc. Cela mobilise un personnel indirect.
[1] Amazon teste déjà le commerce physique aux Etats-Unis.
[2] Le PDG de Carrefour a déclaré souhaiter la constitution de grands groupes industriels, dans le secteur de la distribution en France, où six concurrents font chacun plus de 10 % du marché. La concentration apparait plus avancée dans d’autres pays comme les Etats-Unis.
[3] Le groupe Carrefour « a été percuté de plein fouet par la révolution digitale et le changement de comportement des clients. Le consommateur a repris le contrôle, fractionne sa consommation, fréquente les coopératives, veut à la fois du local et la multitude de l’e-commerce. Il a aboli les contraintes de temps et d’espace. » « C’est une révolution absolue, l’inverse de la manière dont ce groupe a été construit : remplir l’hypermarché de produits à prix bas par la standardisation et les économies d’échelle. » « Attaqué par Amazon et Alibaba, nous devons articuler le physique et le digital, orienter nos entreprises, nos fonctionnements, nos cadres supérieurs vers davantage d’agilité et de diversité. » « L’évolution est déjà formidable. Le groupe se transforme dans ses organisations, ses priorités, ses partenariats et la construction du modèle de demain. » – Alexandre Bompard, PDG de Carrefour – Club de l’économie du « Monde » – 24/10/18
[4] Les enseignes d’hypermarché sont Auchan, Carrefour, Cora (Groupe Louis Delhaize), E. Leclerc, Géant Casino (Groupe Casino), Hyper U (Système U) et Intermarché Hyper (Les Mousquetaires). Les enseignes de supermarchés sont Carrefour Market (Groupe Carrefour), Casino Supermarchés (Groupe Casino), Intermarché Super (les Mousquetaires), Super U (Système U), Match (Groupe Louis Delhaize), Auchan Supermarché et Bi1 (Schiever).
[5] Il s’agit d’une fermeture progressive des rayons non alimentaires qui sont déficitaires. L’objectif serait de repositionner Carrefour sur le seul secteur alimentaire.
[6] Ce dispositif a été mis en place lors de la réforme du code du travail. Les RCC permettent de supprimer des postes via des départs volontaires, sans justification économique. Elles nécessitent un accord signé par des syndicats représentant au moins 50 % du personnel. Ces accords font l’objet d’un contrôle pour éviter une substitution aux plans sociaux. PSA, Sanofi et la Société générale ont déjà eu recours à cette procédure collective. France Télévisions en parle.
[7] Le mécanisme d’une rupture conventionnelle collective est complexe. Comme il repose sur le volontariat, son résultat reste toujours incertain, selon les professionnels.
[8] Par exemple, le groupe Ikéa a annoncé, fin 2018, la suppression de 7 500 postes dans le monde, dont une part en France comme cela vient d’être annoncé.
[9] Un autre patron de groupe de distribution se fixe comme objectif de réaliser un tiers de son chiffre d’affaires sur Internet en 2021. Le rôle de la logistique va évidemment devoir se développer.
[10] Le dernier entrepôt de la Socamaine a été inauguré le 20 mars par Michel Edouard Leclerc. Ce bâtiment de 6 000 m² fait 42 mètres de haut. Il a une capacité de stockage de 35 000 palettes. Il correspond au stock d’une cinquantaine de grandes surfaces mais sans les produits frais. La chaîne de production est très automatisée, et comporte des robots. Une petite centaine de salariés se relaient jour et nuit 7 jours sur 7. Il approvisionne 53 « drive » Leclerc et 38 hypermarchés du nord-ouest de la France.
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