Photo : Airbus A380. Le 14 février 2019, Airbus a annoncé l’arrêt de la production du plus gros appareil de son catalogue : l’Airbus A380.
POURQUOI LES EFFECTIFS DANS L’INDUSTRIE ONT BAISSÉ EN 2018 ?
L’industrie fait appel traditionnellement à un volant d’intérimaires[1], plus de 300 000 en 2018. Ils représentent 8,7 % de l’ensemble des salariés du secteur[2].
Dans l’industrie, sur un an, les effectifs en emploi intérimaire ont baissé de 8,2%[3]. Cela représente un effectif de 26 900 intérimaires de moins qu’au 4e trimestre 2017.
Ce recul se poursuit pour le quatrième trimestre consécutif : -2,2 % au 4e trimestre, soit -6 600 intérimaires et -2,3%, soit -7 200 au 3e trimestre 2018.
Tous secteurs confondus, sur un an, l’emploi intérimaire recule dans tous les domaines. Il enregistre une diminution globale de -3,3 %. De plus, la tendance générale demeure à la baisse au dernier trimestre 2018.
La diminution du recours à l’intérim apparait nettement plus forte dans le secteur de l’industrie avec -8,7%. Elle concerne, en particulier, la production de « biens d’équipement » (-12,8%) et les « autres branches industrielles » (-11,5%).
Cette baisse n’est généralement pas considérée comme un indicateur positif pour l’activité en général, et celle de l’Industrie en particulier.
L’AUGMENTATION DES EFFECTIFS, HORS INTÉRIM (9 500) NE COMPENSE PAS LA BAISSE DU NOMBRE D’INTÉRIMAIRES (-26 900).
L’Insee, pour sa part[4], estime l’augmentation des effectifs, hors intérim, durant la même période à 9 500 dans l’Industrie, principalement manufacturière.
Il est possible d’imaginer qu’une part des intérimaires employés en 2017 lors de l’amélioration des commandes, aient été embauchés en 2018 lorsque la croissance d’activité d’une entreprise se stabilisait.
Lorsque l’on rapproche ce chiffre de 9 500 créations de la baisse de 26 900 intérimaires , on est amené à constater une baisse globale de l’ordre de 17 400 salariés en 2018.
LES DISCOURS SUR L’INDUSTRIE AFFICHENT UN OPTIMISME FORCÉ
Durant la Semaine de l’industrie, le gouvernement a tenté de faire valoir ses initiatives pour soutenir l’emploi et l’innovation dans ce secteur professionnel. Dans un entretien avec La Tribune[5], la secrétaire d’État à l’Économie[6] a expliqué les objectifs des « territoires d’industrie »[7] et a même évoqué la création potentielle de 200 000 emplois.
Les efforts à apporter à la sauvegarde et à la relance de l’Industrie en France font, a priori[8], l’objet d’un consensus. Mais les divers plans d’action des gouvernements apparaissent peu probants. Le bilan historique sur le rôle réel de l’État est très décevant (euphémisme), le présent peu convaincant et certains projets actuels portent à sourire.
Il y a effectivement de belles créations et des extensions industrielles, qui concernent des activités classiques et nouvelles, il existe des projets industriels tout à fait dynamiques, mais la réalité reste diverse et complexe selon les secteurs.
Les affirmations erronées, comme sur la hausse des effectifs en 2018 (voir début de l’article), figurant dans l’entretien de la ministre ne rassurent évidemment pas non plus.
Faire un constat général apparait difficile, autrement que dans un but psychologique. C’est le cas de propos volontaristes comme : « Il faut changer le regard des Français de l’industrie : l’industrie est compétitive, elle se modernise, innove ». Tout dépend des secteurs et des acteurs.
MÈME SI, PONCTUELLEMENT, DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENTS EXISTENT ET QU’IL FAUT Y RÉPONDRE PAR LA FORMATION, LE DISCOURS TENU SEMBLE EXCESSIF.
Les affirmations de la ministre sur les pénuries de candidat demanderaient à être étayées plus précisément :
« 50 000 emplois ne sont actuellement pas pourvus dans l’industrie et 200 000 emplois supplémentaires pourraient être créés si l’on était capable de répondre aux besoins de compétences des industriels, qui refusent des commandes à leurs clients faute de disposer des compétences recherchées. »
Évidemment, il existe des emplois qualifiés et très qualifiés (emplois-cadres pour l’essentiel) pour lesquels on relève ponctuellement, par secteur ou par fonction, des pénuries de candidats, tel le créneau de la « sécurité informatique ».
Mais le chiffrage à 200 000 emplois parait excessif…
Si on prend cette affirmation chiffrée « au pied de la lettre », il faudrait engager rapidement le procès des entreprises, des organisations professionnelles, des régions et de l’État, sans compter tous les organismes les plus divers en charge de l’observation et des propositions, qui n’ont pas su contribuer à mettre en œuvre la formation initiale et professionnelle qu’il convenait de prévoir pour positionner des personnels compétents.
A ce titre, la démarche annoncée consistant « à rassembler tous les outils à mettre à disposition des territoires et des régions pour agir, comme la Banque des territoires, Bpifrance, Pôle emploi, les services du ministère de l’Éducation et ceux du ministère du Travail », apparait comme un constat de carence ou seulement un artifice…
Enfin, le poids de la robotique et des outils numériques dans le développement de la production industrielle semble oublié alors qu’il s’agit d’une question centrale.
L’évolution technologique de la production conditionne à la fois le nombre des emplois de demain et l’élévation rapide du niveau de qualification des salariés dans la plupart des industries.
Les défenseurs de l’Industrie devraient le dire clairement pour accompagner le changement engagé POUR L’INDUSTRIE.
[1] Source : DARES Indicateurs – mars 2019 – N°12 – https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/219-012.pdf
[2] Les industries occupent 38% des effectifs intérimaires, le tertiaire 42% et la construction 20%.
[3] Les Équivalents emploi à Temps Plein (ETP) ont baissé de 3,7%.
[4] Source : Insee – Informations rapides – No 61 – 12/03/2019 et « Dans quels secteurs travaillent les salariés ? Combien sont-ils ? https://bit.ly/2Hw0Wti »
[5] « L’industrie, ce sont des emplois situés à 70% dans les territoires en dehors des grandes villes » – LA TRIBUNE – 18 03 19 – https://bit.ly/2WbMOtd
[6] Agnès Pannier-Runacher a été nommée, le 16 octobre 2018, secrétaire d’État, auprès du ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, en remplacement de Delphine Gény-Stephann. Leur notoriété semble réduite.
[7] « Territoires d’industrie vise à régler tous les petits grains de sable qui empêchent les industriels de se développer et de créer de l’emploi. » Ce ciblage par territoire annoncé par une concentration des moyens (1,3 milliards d’euros) sur plus d’une centaine de territoires peut apparaitre artificielle et technocratique.
[8] A l’exclusion des partisans de la décroissance qui se félicitent du déclin industriel du pays à diverses occasions.
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