L’affirmation gouvernementale, selon laquelle « la réduction des droits des chômeurs fait baisser le chômage » ne va pas de soi.
Derrière ce propos, l’idée est que le système d’assurance-chômage est trop coûteux, pour les entreprises et l’État, et qu’il est insuffisamment efficace en termes de taux de placement des inscrits. Transparait aussi le fait que les chômeurs sont responsables de leur situation…
Une analyse de la situation existant en France est nécessaire.
VIS-A-VIS DES CHÔMEURS, PLUSIEURS FONCTIONS SONT À ASSURER : INDEMNISATION, ACCOMPAGNEMENT VERS L’EMPLOI, DONT FORMATION.
Deux axes principaux demeurent :
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Un régime d’assurance-chômage a été mis en place en 1958, sous l’impulsion du Général de Gaulle, pour faire face à la perte des ressources des personnes ayant perdu d’une manière ou d’une autre leur emploi. Son but est le maintien d’un certain niveau de ressource défini par un montant et de durée d’assurance (l’Unédic en est l’acteur géré par les partenaires sociaux). La nécessité d’un système d’assurance fait consensus.
Le système d’assurance est évidemment intéressé à ce que les assurés ne restent pas au chômage, mais la réponse à ce problème à plusieurs solutions.
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Il existe un besoin d’accompagnement à l’accès ou au retour des chercheurs d’emploi qui se traduit par :
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Un besoin de diagnostic (historiquement constitué par le « bilan de compétences », devenu Conseil en évolution professionnelle),
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La formulation de conseils, dont la maitrise des techniques de recherche d’emploi et l’autonomisation d’une part des candidats
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La recherche d’offres ou opportunités d’emploi (reprises, créations, concours, etc.).
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L’accès à une formation en rapport avec une offre ou un projet professionnel,
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La mise en relation entre recruteurs et demandeurs d’emploi.
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Ces fonctions (indemnisation, accompagnement, maitrise de l’offre, formation et mise en relation) ne se trouvent pas forcement en phase au niveau des priorités, des publics, etc.
Ces fonctions sont théoriquement assurées par le Service public de l’emploi (SPE) avec Pôle emploi, les missions locales et Cap emploi ; mais aussi, par d’autres acteurs privés comme l’APEC, des structures spécialisées dans la création d’entreprises, des services d’universités ou d’écoles, des associations spécialisées nationales ou locales, des cabinets de recrutement, etc.
LA FUSION DES SERVICES DE L’UNEDIC ET DE L’AGENCE NATIONALE POUR L’EMPLOI (ANPE) EST INTERVENUE EN 2008 POUR CRÉER POLE EMPLOI.
Rappelons qu’en 2018, avait été imaginé et étudié dans ce projet de fusion l’entrée de l’APEC, des missions locales, des Cap emploi ou de l’AFPA, etc. pour créer un établissement unique. Seule la résistance de ces structures les a fait échapper à une grande fusion.
Cette fusion a conduit à la constitution de Pôle emploi et, de fait, à un mélange des genres et de personnels de cultures et pratiques différentes. À sa création, les conseillers (issus de l’Unédic ou de Pôle emploi) étaient censés pouvoir tout faire. Ce n’est plus le cas !
LE GOUVERNEMENT VIENT DE NATIONALISER PROGRESSIVEMENT LE SYSTÈME D’INDEMNISATION CHÔMAGE
La récente période a été marquée par un tournant politique net, en plusieurs étapes, avec :
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La suppression de la cotisation salariale d’assurance chômage, au profit de l’impôt (augmentation de la CSG), a eu lieu au 1er janvier 2018. Les salariés ne cotisent plus et les organisations syndicales sont délégitimées.
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L’encadrement des actions de formations destinées aux chômeurs (PIC)[1] dans le cadre d’un financement public direct ou indirect (régions).
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L’adoption de la loi « avenir professionnel» en septembre 2018 a réorganisé la formation professionnelle et l’apprentissage (au détriment des régions).
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À l’automne 2018, l’envoi par le gouvernement d’une « lettre de cadrage» très précise aux partenaires sociaux[2] a débouché sur un blocage qui était prévisible (février 2019).
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Le gouvernement vient d’annoncer des mesures visant à durcir les conditions d’accès aux indemnités, réduire des indemnités pour les travailleurs précaires et instaurer une dégressivité de l’indemnité pour les cadres pour novembre 2019 et le 1er janvier 2020[3].
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L’accès à l’assurance chômage de certains salariés démissionnaire et d’indépendants, voire de fonctionnaires quittant la fonction publique, reste à préciser pour imaginer quel seront les flux concernés (marginaux ou non) et le cout induit.
L’ensemble est considéré, par beaucoup, comme une « nationalisation », même si ce sentiment reste à nuancer, ou non, en fonction de l’avenir de l’Unédic aujourd’hui de fait en suspens (gouvernance, participation des partenaires sociaux, etc.).
Ce choix politique de nationalisation n’est pas issu du « Grand débat ». La question de l’emploi en avait d’ailleurs été exclue. Il ne provient pas non plus d’un débat de fond comme cela aurait pu être les citoyens ou avec les professionnels de l’emploi et de la formation.
Les dés en sont jetés : les trois ans qui viennent vont permettre de tester les choix qui viennent d’être faits.
MAIS UN RÉSULTAT POSITIF À CE TOURNANT POLITIQUE EST LOIN D’ÊTRE ACQUIS.
Les objectifs fixés à Pôle emploi ne semblent pas tenables, a priori, en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Le recours à la formation des chômeurs, pour accéder à des emplois disponibles, ne semble globalement pas assuré dans le contexte actuel. Les offres d’emploi manquent.
Le non-accès à l’indemnisation, la baisse des indemnités ou leur dégressivité devraient certes produire une dynamique de concurrence sur les postes en cours de recrutement, mais avec à la clé une fréquente déqualification des salariés et une mise hors-jeu des moins qualifiés ou ayant des profils plus fragiles.
Le nombre de candidats sur chaque poste ne crée pas d’emploi.
L’économie sur le budget d’indemnisation se fera normalement sentir en 2020, mais cela ne signifie pas que le nombre de chômeurs total, indemnisé ou non, diminue sensiblement.
[1] 14,6 milliards d’euros sur 2018-2022 ont été annoncés en septembre 2017. Le démarrage a eu lieu en 2018.
[2] Les partenaires sociaux étaient arrivés à un accord en 2017 comportant des économies significatives.
[3] D’autres lois vont venir impacter l’ensemble comme celle portant sur la fonction publique.
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