PLUSIEURS MESURES ANNONCÉES SEMBLENT DEVOIR IMPACTER L’ACTIVITÉ DU BTP
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures qui devraient impacter l’activité du BTP et l’emploi dans ce secteur :
-
La suppression de la déduction forfaitaire spécifique (DFS), un abattement sur les cotisations sociales bénéficiant à certains secteurs professionnels (ouvriers du BTP, artistes, VRP, etc.).
-
Un malus sur les contrats courts pourrait toucher le Bâtiment. La menace plane car, en effet, il est le huitième secteur par importance et le Premier ministre a évoqué les « cinq à dix secteurs » les plus utilisateurs de contrats courts.
-
La suppression du taux réduit de TICPE (Taxe intérieure de consommation des produits énergétiques)[1] sur le gazole non routier (GNR), carburant des engins de chantier est envisagée. Cette mesure impacterait la rentabilité des activités, avec une facture supplémentaire pour les entreprises du Bâtiment et d’autres secteurs.
La suppression du taux réduit de TIPCE paraît acquise, mais la sortie pourrait être progressive, sur trois ans, pour laisser le temps aux professionnels d’ajuster leurs clauses de prix. Cela signifie que les coûts provenant de cette augmentation seront répercutés aux clients, dont les clients publics.
Au total, cette mesure n’empêchera pas le recours actuellement indispensable à ce carburant pour les engins de chantier[2].
L’économie liée à la disparition du taux réduit de taxe se transformera en charge directe facturée à l’État et les collectivités locales, dans le champ des travaux publics.
LA PROFESSION A VIVEMENT RÉAGI À CES ANNONCES
Les présidents de la FNTP et de la FFB ont réagi à des annonces sur lesquelles ils affirment ne pas avoir été consultés[3]. L’impact de la suppression de la « déduction forfaitaire spécifique » se chiffre par une augmentation de 20% sur les cotisations sociales des ouvriers du BTP :
« Ce discours est un tsunami pour nous. En une petite phrase, sur la « déduction forfaitaire spécifique » qui va être supprimée, le gouvernement nous ampute de plus de 700 millions d’euros. A quoi sert cet abattement sur les charges sociales ? Dans notre secteur, à prendre en charge le panier-repas des salariés sur les chantiers, à payer les frais kilométriques… Le supprimer revient à raboter le salaire net des ouvriers. Il va falloir leur expliquer ! Cela augmente aussi le brut des salariés. Or – effet domino – c’est le brut qui est pris en compte pour les allégements Fillon, qui concerne les salaires entre 1 et à 1,6 SMIC. Il y aura donc moins de salariés qui pourront en bénéficier. Ce qui ajoute encore sur les entreprises 650 millions d’euros. Au total, on va augmenter de 20 % les charges sur les salaires des ouvriers du BTP. »
Il a également expliqué précisément le caractère dangereux de la mise en place de malus pour l’emploi[4], en insistant sur la distorsion existante en fonction de la taille des entreprises ; dans la mesure où les entreprises de moins de 10 salariés ne seront pas concernées.
Cette analyse sera à confronter avec le détail du système de bonus-malus[5], plus ou moins complexe, qui sera présenté le 18 juin.
LES CONSÉQUENCES DES MESURES SUR L’EMPLOI APPARAISSENT CLAIREMENT.
Alors que le secteur a créé 50 000 emplois depuis 2017, dont 16 500 au 1er trimestre 2019, le président de la FFB fait un pronostic pessimiste, mais réaliste quant à l’évolution de la nature des emplois et le recul possible du salariat :
« Avec ces mesures, on n’embauchera plus. Le recours aux micro-entrepreneurs va exploser, alors qu’ils cotisent peu pour la protection sociale ; même chose pour les travailleurs détachés qui va encore connaître un appel d’air. Les dépôts de bilan des entreprises de la filière vont s’accélérer. »
***
Le secteur du Bâtiment a déjà cumulé les décisions négatives pour son activité : diminution du budget du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), du prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf et l’ancien, du dispositif Pinel, etc. Il est possible de prévoir un recul mécanique des activités et de l’emploi dans le domaine de la construction de logements neufs en 2020.
La transformation annoncée du CITE reste encore en suspens[6], mais il semble que la transformation en prime sous condition de ressources n’apporte pas un budget supérieur, mais une réorientation des crédits.
[1] « Quand un expert de Bercy nous dit que l’augmentation du coût du GNR peut être absorbée par nos entreprises parce que cela représente une hausse de 2%, a-t-il en tête que certaines d’entre elles ne réalisent que 1% de résultat ? » – FFB
[2] « Cette suppression serait d’autant plus inacceptable pour les entreprises du BTP, qu’il n’existe pas à ce jour, sur le marché, d’engins de substitution – sinon à l’état embryonnaire – permettant d’éviter une consommation de gazole. Il faudrait a minima une décennie pour accompagner la conversion écologique du secteur en y associant les fabricants d’engins. En outre, les entreprises du BTP n’ont pas toujours les moyens juridiques leur permettant de répercuter une hausse de taxe sur le donneur d’ordre dans le cadre de contrats pluriannuels, souvent à prix ferme sans clause de révision de prix. » « Suppression du GNR ? Attention à la déstabilisation du BTP » – 07 mai 2019 – https://www.fntp.fr/presse/communiques-de-presse/suppression-du-gnr-attention-la-destabilisation-du-btp
[3] La FFB chiffre à 2,2 milliards d’euros les nouvelles charges, dont 1,3 milliard de surcoûts pour la main d’œuvre et 900 millions d’euros de TICPE.
[4] « Je suis d’accord pour qu’on limite les abus mais la solution choisie n’est pas la bonne. Notre secteur est composé majoritairement de TPE et le bonus-malus de cotisations ne s’appliquera pas aux entreprises de moins de 10 salariés. Que va-t-il se passer ? Les entrepreneurs de moins de 10 salariés vont faire le moins de CDI possible, pour rester en dessous du seuil. Et ils vont embaucher des CDD qui ne seront pas taxés.
En fait, le bonus-malus, c’est une taxation des CDI. Je m’explique : cela revient à faire payer une taxe pour l’assurance-chômage sur la masse salariale de l’entreprise. Si vous avez trop de contrats courts, vous payez. Mais vous payez en fonction de votre masse salariale, ce qui veut dire que si vous avez beaucoup de CDI, vous payez beaucoup. Ce n’est pas du tout le principe pollueur-payeur, comme on veut nous le faire croire. Je caricature mais un chef d’entreprise aura tout intérêt à avoir trois CDI et 15 CDD plutôt que 15 CDI et 3 CDD… C’est une aberration ! »
[5] Ce système devrait être une « usine à gaz » forcément contestable et qui conduira probablement à des stratégies de contournement : taille des entreprises, recours à des indépendants, etc.
[6] « Nous remettrons donc complètement à plat les aides existantes à la rénovation énergétique, parce que ces aides sont d’une effroyable complexité, parce qu’elles profitent en réalité aux ménages les plus riches. Nous transformerons donc le Crédit d’impôt de transition énergétique (CITE) en une aide plus massive, versée à ceux qui en ont le plus besoin. » – Edouard Philippe.
Pas de commentaire sur “Quelles menaces pèsent sur l’emploi dans le BTP ?”