QUELLE EST LA DÉFINITION D’UN MÉTIER EN TENSION ?
Les métiers en tension ont déjà fait l’objet de nombreux débats pour répondre à la question : « Quelle est la définition d’un métier en tension ?[1] ».
Je ne souhaite pas entrer, en ces quelques lignes, dans le détail, mais simplement dire que la question me semble complexe.
Je reconnais volontiers qu’il y a eu, il y a et il y aura demain des recrutements difficiles, demandant du temps et des adaptations de postes.
Mais les difficultés de recrutement varient dans le temps, la saison ou les bassins d’emploi et, évidemment, selon l’activité pour les différents métiers et contrats proposés.
Bref, il n’existe pas une liste globale et stable de métiers en tension, car la situation est complexe.
D’un côté, des métiers demandent des diplômes, des compétences et/ou des expériences acquises. C’est le cas par exemple dans le secteur des nouvelles technologies (numérique / télécoms) ou dans celui de la santé (aides-soignants, infirmiers, pharmaciens, médecins, etc.). Ils imposent des formations longues relevant d’une politique de formation initiale qui apparait souvent défaillante.
A l’opposé, des métiers proposant des contrats courts (voire très courts, comme pour les saisonniers) ont été plombées :
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D’une part, par les reconversions des salariés habituels durant la crise sanitaire et,
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D’autre part, par la permanence d’offres d’emploi peu attractives au plan des rémunérations, des horaires, de la disparition d’une couverture d’assurance-chômage, etc.
LA MAJORITÉ DES MÉTIERS SERAIENT-ILS EN TENSION
Il faut se garder de faire la confusion entre :
1. Des métiers qui ont un grand nombre de recrutements chaque année, comme elle apparait dans la liste des Besoins en Main d’œuvre (BMO) de Pôle emploi, et
2.. Des métiers qui connaissent au final de réelles difficultés de recrutement sur un bassin d’emploi.
Par exemple, recruter des milliers d’agents de sécurité pour les deux mois des JO 2024 apparait tout à fait logique. C’est sans doute un chantier difficile, mais cela ne signifie pas que la métier d’ « agent de sécurité » soit durablement un métier en tension !
De même recruter des chauffeurs de bus scolaire, à chaque rentrée, demande des efforts (orientation des demandeurs d’emploi, obtention du permis, etc.), mais les postes sont pourvus et ce métier n’est pas en tension.
La Dares écrivait ainsi en 2022 :
« Après une diminution en 2020, les tensions sur le marché du travail remontent et atteignent en 2021 leur plus haut niveau depuis 2011. Elles augmentent dans pratiquement tous les métiers et sont particulièrement fortes dans ceux du bâtiment, de l’industrie, de l’informatique et des télécommunications, ainsi que chez les infirmiers. Au total, 7 métiers sur 10 sont en tension forte ou très forte en 2021. »
A lire cette affirmation, la majorité des métiers seraient donc en tension ?
La critique de cette analyse, publiée il y a juste un an[2], s’impose compte tenu de la diminution des recrutements (baisse progressive du nombre des postes vacants) et du seuil atteint par le nombre des emplois constaté à mi-2023.
Pour prendre un exemple, de l’avis général, le secteur du Bâtiment aborde une baisse d’activité pour la période à venir à cause d’une baisse des commandes. Le marché de l’emploi dans le Bâtiment ne devrait probablement pas se maintenir pour quelques années.
LES MOTIFS DE LA NOTION DE MÉTIERS EN TENSION
Il me semble que l’utilisation de la notion de « métiers en tension » répond souvent à des motifs de natures diverses :
1. D’arguments de responsables politiques, qui veulent dire dire par là que « l’économie va bien » sous leur mandat,
2. De certains employeurs, à la recherche de recrutements à faible salaire, etc. et pour y parvenir de personnels étrangers moins exigeants,
3. De certains organismes de formation, qui commercialisent leurs formations sur ces métiers à cette occasion, de manière plus ou moins justifiée, et
4. De certains médias à la recherche d’articles alléchants.
5. Etc.
Difficile de réduire le marché de l’emploi à une formulation globale.
[1] « Peut-on faire la part entre ce qui relève de la conjoncture et de causes plus structurelles dans les tensions actuellement observées sur le marché du travail ? Comment expliquer que des métiers qui ne sont pas en tension soient, selon les employeurs, concernés par des difficultés de recrutement ? Existe-t-il différents types de métier en tension ? » Dares – « Qu’est-ce qu’un métier en tension ? » 2 novembre 2021
[2] Les tensions sur le marché du travail en 2021 – Au plus haut niveau depuis 2011 – Dares Résultats N°45 – 8 septembre 2022.
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