La baisse de charges pesant sur les entreprises est mobilisée pour restaurer la situation de trésorerie, pour augmenter les salaires gelés et réaliser des investissements. Les mesures prises jouent en faveur du maintien de l’emploi, mais pas de la création de nouveaux postes.
LA PRÉVISION DES CHIFFRES DU CHÔMAGE SEMBLE RELEVER DAVANTAGE DE LA DIVINATION QUE DE CALCULS ECONOMIQUES.
Il est néanmoins difficile pour un ministre d’y échapper tant l’attente des médias et du public est forte. Même si le seul indicateur fiable (car objectif) est le nombre d’actifs dans le pays, celui du nombre de chômeurs ou le taux de chômage est incontournable.
Les incantations sur « l’inversion de la courbe du chômage » ont été abandonnées par le Président de la République, après qu’il est perdu toute crédibilité, sur ce point. Des déclarations interviennent toutefois comme celle de Michel Sapin aux Échos, le 8 avril qui déclare prudemment lors d’un entretien :
« Si la croissance prévue est au rendez-vous, l’économie devrait recréer des emplois de manière significative à partir de 2016. Dès lors, après une stabilisation fin 2015, le chômage devrait baisser en 2016 et en 2017 ». Le ministre, précédemment en charge de l’emploi, reste d’une prudence réaliste[1].
Il évite de parler de l’année 2015 qui s’annonce encore négative si l’on en croit les prévisions de l’UNEDIC, qui mise sur une hausse 65 000 demandeurs d’emploi en catégorie A.
En 2016, il semble qu’une stabilisation ou même une amélioration puisse intervenir en ce qui concerne les personnes totalement privées d’emplois. Le taux de croissance escompté entre 1,3 et 1,5% est trop bas pour permettre, selon les économistes, de déclencher une forte amélioration de la situation de l’emploi.
Par ailleurs, en sus de la catégorie A, deux autres types de profil pourraient bien rester sur des effectifs stables :
- D’une part, les autres catégories de demandeurs d’emploi (selon la DARES) ou le « halo du chômage » (selon l’INSEE) ne devraient normalement pas diminuer compte tenu des évolutions en cours.
- D’autre part, le nombre de salariés en sous-emploi (temps partiel subi ou chômage partiel) ne devrait pas diminuer.
La croissance régulière du nombre de chômeurs de longue durée conduit à une situation sur laquelle le retour à l’emploi sera, au minimum, lent et difficile.
L’IMPACT DES MESURES CONJONCTURELLES SUR L’EMPLOI SE FAIT ATTENDRE.
L’impact du « Pacte de responsabilité » s’avère limité à ce jour. Les contenus des accords de branches sont de nature diverse et, de toute manière, ces accords n’imposent rien à une entreprise donnée de chacune des branches. Les échanges vifs entre le président du MEDEF et le premier ministre sur le bilan actuel du Pacte sont révélateurs[2]. Il faut bien constater que sur ce point les deux interlocuteurs, patronat comme gouvernement, ont un intérêt commun à la réussite du Pacte de responsabilité ou du moins à en entretenir la flamme.
La baisse des dépenses publiques reste également à confirmer[3], compte tenu de l’engagement pris de « stabiliser » les effectifs de fonctionnaires sur le quinquennat, mais sans les diminuer.
La baisse de charges des entreprises ou de l’impôt sur les sociétés est généralement mobilisée pour restaurer la situation de trésorerie, pour augmenter les salaires gelés depuis parfois plusieurs années et réaliser des investissements indispensables, qui seront encouragés par mesures annoncées récemment.
C’est dire que dans cette première phase les mesures prises jouent en faveur du maintien de l’emploi dans les entreprises, mais pas en faveur de la création de nouveaux postes impliquant des embauches. Globalement, les entreprises pourvoient des postes vacants, mais pas plus.
La visibilité sur les carnets de commandes reste la clé des créations de postes.
LA NATURE DES EMPLOIS SE TRANSFORME EN PERMANENCE
Une étude du ministère du Travail[4], portant sur une période de 30 ans, constate de fortes évolutions dans les besoins de main-d’œuvre[5].
- La part dans l’emploi des métiers les plus qualifiés a augmenté de 21 points en 30 ans et concerne les ingénieurs informaticiens, les cadres des services administratifs, les comptables et financiers, les ingénieurs et cadres de l’industrie, de la banque et de l’assurance.
- Les métiers les moins qualifiés ont subi une baisse d’effectifs de 4 points[6]. Cette baisse touche fortement certains secteurs productifs tandis que parallèlement les services à la personne se sont développés : aide à domicile, aide-ménagères,-assistantes maternelles, etc. comme des postes dans le tertiaire : agents de sécurité, agents d’accueil, standardistes, etc.
Deux autres évolutions sont également remarquables : le vieillissement des actifs et la hausse du taux d’activité des femmes.
Cette évolution des besoins en main-d’œuvre se poursuit à cause de divers facteurs comme :
- l’allongement de la durée des carrières (lié à l’augmentation du nombre de trimestres requis pour la retraite et recul de l’âge de la retraite) conjuguées à un faible taux d’activité des seniors,
- la permanence d’une catégorie de personnes sans qualification y compris chez les jeunes pour laquelle la proportion de jeunes non qualifiés reste stable (à hauteur de 15% d’une classe d’âge), etc.
- la désindustrialisation qui continue même s’il existe des créations d’activités dans certains secteurs.
- Les évolutions technologiques, avec leur apport de robotisation et d’applications numériques[7], ne participeront pas forcément de création directe de nouveaux emplois même si elles remplissent un rôle en améliorant la productivité et l’accès aux marchés.
Ces causes structurelles existent et conduisant au maintien d’un niveau de chômage important, même si les freins conjoncturels venaient à diminuer comme chacun l’espère.
[1] Ces propos ont été repris par plusieurs médias de manière tronquée en modifiant la portée de cette déclaration.
[2] Le pacte de responsabilité prévoit d’accorder 40 milliards d’euros d’aides aux entreprises d’ici à 2017 (réductions d’impôts, de cotisations sociales), en échange d’accords, notamment sur la question de l’emploi, l’alternance, etc. dans les branches professionnelles.
À mi-mars, le gouvernement recensait 12 accords de branche, dont 10 dans les 50 principales qui rassemblent 11,4 millions des 18 millions de salariés du privé. Près de deux tiers, des salariés sont concernés.
Le président du MEDEF estime que l’emploi va « venir progressivement ». « Les marges qu’on va dégager, grâce à cet effort qui est fait à destination des entreprises, permettront de désasphyxier les entreprises, de baisser leurs charges. Progressivement, elles retrouveront de la compétitivité, et ça permettra de recréer progressivement de l’investissement et de l’emploi. » « C’est une conséquence l’emploi, ça va venir progressivement, on y croit et le Medef se bat tous les jours pour motiver les filières ».
[3] Michel Sapin affirme : « Nous tablons sur une diminution sensible dès 2015 (hors crédits d’impôt). C’est un résultat d’autant plus remarquable que la progression du PIB est encore limitée. La baisse du poids des dépenses publiques s’accélérera en 2016 et 2017. C’est le résultat des 50 milliards d’économies que nous mettrons scrupuleusement en œuvre. »
[4] « Trente ans de mutations fonctionnelles de l’emploi dans les territoires » – Robert Reynard et Pascal Vialette, Pôle Synthèses locales, Insee – Clément Gass, Direction régionale d’Alsace, Insee
[5] Résumé : « Entre 1982 et 2011, malgré les chocs économiques successifs, le nombre total d’emplois a augmenté de plus de 20 % en France métropolitaine, plus rapidement que la population (+ 16 % sur la même période). Mais certains territoires ont perdu des emplois, principalement en raison du recul des activités productives, notamment dans les fonctions de fabrication industrielle et de production agricole. En revanche, les territoires où l’emploi a progressé fortement ont souvent bénéficié d’une croissance simultanée des fonctions liées à l’économie de la connaissance et de celles tournées vers les services à la population. Ainsi, en 2011, les activités dites présentielles, car liées à la présence de population, représentent 65 % de l’emploi total contre 56 % en 1982. Leurs effectifs ont augmenté de 42 %, tandis que ceux de l’économie productive ont diminué de 6 %. En 2011, les fonctions de production abstraite ont pris le pas sur les fonctions de production concrète : ces dernières ne représentent plus que 30 % de l’économie productive contre 56 % en 1982. »
[6] Par exemple, ouvriers non qualifiés du textile, du cuir, du bois, de l’ameublement, d’agriculteurs, d’éleveurs, de sylviculteurs, de bûcherons, etc.
[7] Que les mesures en faveur de l’investissement vont doper.
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