L’augmentation du nombre de travailleurs indépendants apparaît à des politiques comme une voie à privilégier pour parvenir à une diminution du chômage de masse. Encore faut-il mettre en place les conditions nécessaires à son développement !
DES ÉVOLUTIONS DU STATUT D’AUTOENTREPRENEURS ONT ÉTÉ ENVISAGÉES
L’introduction du statut d’autoentrepreneur[1], mis en place par Hervé NOVELLI, a permis de réunir les conditions d’une réelle simplification et la rapidité de la création d’activités de travailleurs indépendants, en particulier par la télé déclaration. Il a constitué une rupture avec la complexité des statuts de création existants.
Le statut d’autoentrepreneur a connu un réel succès en permettant le développement d’activités à temps partiel (en parallèle à un emploi ou une pension de retraite) ou d’activité à temps plein. Environ un million de personnes y ont eu recours.
À la suite de son démarrage, des abus sont progressivement apparus, car, comme dans tout système, il existait des failles. Le principal étant constitué par des entrepreneurs qui incitaient leurs salariés à devenir des autoentrepreneurs pour baisser les couts de l’entreprise (généralement petite). Cette manœuvre produisait la baisse des coûts et faussait alors la concurrence d’une entreprise disposant de salariés, par exemple dans le secteur du Bâtiment.
La loi Pinel (18 juin 2014) a été votée pour réduire les avantages accordés aux autoentrepreneurs[2]. Elle a très logiquement produit la diminution du nombre de créations d’autoentrepreneurs[3].
Un nouveau projet de loi est à l’étude, à l’instigation du ministre de l’Économie, pour redonner un nouveau souffle au statut d’autoentrepreneur.
Cette nouvelle remise en chantier du statut, au moment où doit s’appliquer la réforme de 2014, provient, d’une part, du constat de la baisse du recours à ce statut et, d’autre part, de son utilisation par les prestataires des plateformes numériques, dont la plupart ont un lien exclusif avec une plateforme (VTC, etc.).
Sur le plan des idées, le souhait de voir croître le nombre de travailleurs indépendants en France provient du constat de la quasi-stagnation du nombre d’emplois salariés en 2015, dans un contexte de faible croissance.
L’augmentation du nombre de travailleurs indépendants apparaît aux politiques comme une voie à privilégier pour parvenir à une diminution du chômage de masse.
LES ÉVOLUTIONS DU STATUT D’AUTOENTREPRENEUR SERONT TRÈS LIMITÉES
Les changements proposées par le pré-projet de loi ne comprennent ni la suppression du stage préalable à l’installation ni la suppression de l’obligation d’inscription au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés (instituées par la loi Pinel)
Seule la suppression du compte bancaire dédié à l’activité (loi sécurité sociale de 2015) pourrait être supprimée et le dépassement ponctuel des seuils de chiffres d’affaires plafonds serait assoupli [4], pour permettre aux autoentrepreneurs concernés de continuer à bénéficier d’un régime fiscal et social plus favorable que celui de l’entrepreneur classique.
Suite à la lecture du texte, la Fédération des Autoentrepreneurs juge que « la création d’entreprise n’ira pas mieux demain ! » (25/02/2016)
De leur côté les organisations patronales classiques, comme le MEDEF ou Croissance Plus, sont dans une situation teintée de schizophrénie : d’un côté, ils défendent les entreprises en place régie par un statut classique (dont en premier lieu les artisans ou petites entreprises), d’un autre côté, ils doivent prendre en compte que les autoentrepreneurs sont des entrepreneurs, potentiellement du ressort des organisations patronales…
Les autoentrepreneurs disposent de conditions que les organisations patronales réclament pour leurs entreprises adhérentes. Leur positionnement est donc problématique puisqu’il revient à demander des limites au statut d’autoentrepreneur ou l’élargissement de ces dispositions à des entreprises. Ils posent la question de savoir pourquoi les entreprises classiques, ayant une activité équivalente (en nature et chiffre d’affaires), ne bénéficieraient pas des mêmes dispositions que les autoentrepreneurs. Ils semblent même avoir été entendus par les services du Ministère du Budget…
LE RAPPORT ENTRE SALARIES ET TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS EFFECTUANT LA MÊME TÂCHE POUR UNE ENTREPRISE RESTE A DÉFINIR
Les autres demandes des organisations patronales sur ce dossier portent :
- D’une part sur la limitation du « risque » de requalification d’un prestataire autoentrepreneur en salarié demandée devant les prud’homes. Ces recours sont devenus fréquents et la jurisprudence prud’homale va dans le sens de la requalification en contrat de travail entraînant en particulier des régularisations des cotisations sociales.
- D’autre part, sur la mise en place d’une assurance en cas de baisse d’activité au bénéfice des autoentrepreneurs.
Pour résumer, « un peu brutalement », si ces demandes débouchaient, une entreprise pourrait avoir le droit de recourir à un prestataire autoentrepreneur, en lieu et place d’un salarié, sans courir aucun risque. Pour cela, l’entreprise devrait prendre en charge des dépenses sociales couvrant des frais de formation et une part des risques en cas d’arrêt de la commande. Ce qui revient à financer un système d’assurance (chômage) pour les autoentrepreneurs perdant leur client principal (80% de l’activité), ou même leur unique client.
Cette démarche patronale peut être considérée comme réaliste ou cynique, selon le point de vue de chacun.
Ce positionnement des organisations patronales explique pourquoi les autoentrepreneurs sont défendus par une organisation propre : l’Union des Auto-Entrepreneurs (UAE)[5].
Le développement du remplacement de l’embauche d’un salarié (parfois intérimaire) par le recours à un travailleur indépendant ne pourra être envisagé que par une mise à niveau des régimes sociaux et d’un système d’indemnités de rupture de contrat de même niveau pour éviter les abus.
Ces réflexions ne concernent pas de la même manière, les nombreux travailleurs indépendants qui interviennent auprès de particuliers ou de plusieurs entreprises au travers de commandes ponctuelles. Il n’en demeure pas moins que le système de protection sociale des travailleurs indépendants reste à revoir, et ce dans une perspective de rapprochement avec celui des salariés.
[1] Le statut d’autoentrepreneur est un régime de travailleur indépendant, institué par la loi du 4 aout 2008, pour simplifier la gestion administrative en remplaçant toutes les cotisations sociales et tous les impôts et taxes par un versement unique proportionnel au chiffre d’affaires.
[2] La loi Pinel a imposé la suppression de la dispense d’immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, la déclaration du chiffre d’affaires en ligne, le plafonnement du chiffre d’affaires pour le non-paiement des cotisations sociales pour les activités d’achat/revente et fourniture de logement et pour les activités de prestations de services artisanales, commerciales ou libérales, droit à la formation professionnelle, modification du régime microsocial, sortie du régime micro-fiscal, etc.
[3] http://www.economie.gouv.fr/cedef/auto-entrepreneur
[4] Actuellement, pour un chiffre d’affaires inférieur à 32 900 € pour les activités de services ou 82 200 € pour des activités de ventes, les avantages sont les suivants : si le montant du chiffre d’affaires est nul, aucun prélèvement ; le taux de ses contributions sociales varie entre 13 % et 23 % suivant l’activité ; une possibilité d’opter pour un prélèvement libératoire à l’impôt sur le revenu ; une franchise de base de la TVA
[5] L’Union des Auto-Entrepreneurs (UAE), crée en avril 2009 et présidée par François HUREL, est une association loi 1901, à but non lucratif, reconnue par les pouvoirs publics, s’inscrivant dans une démarche d’intérêt général. Elle a pour objet de « promouvoir et défendre le régime de l’autoentrepreneur et d’accompagner les démarches de professionnalisation des autoentrepreneurs tout au long de leur projet (installation, gestion, développement, passage au statut d’entrepreneur) ». http://www.union-auto-entrepreneurs.com/
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