LE PLAN EN FAVEUR DES JEUNES NE CONCERNE PAS LEUR INSERTION PROFESSIONNELLE.
Le plan en faveur des jeunes, annoncé par le Premier ministre le 11 avril 2016[1], ne concerne ni l’insertion professionnelle ni l’emploi des jeunes. Il comporte des mesures sociales, comme
- Une augmentation des bourses aux lycéens,
- Une prime forfaitaire de 1 000 € aux étudiants disposant d’une bourse « échelon zéro »[2]
- Une prolongation durant 4 mois des bourses en fin d’études[3],
ainsi que des mesures touchant au logement (caution locative[4]) ou à la santé (bénéfice d’une mutuelle universelle[5]).
Il annonce une augmentation de salaire des apprentis de moins de 20 ans, prise en charge par l’État, à la rentrée 2016.
Puis, il évoque une augmentation marginale (+ 2 000 places par an) des places en Sections de Techniciens Supérieurs (STS), menant au Brevet de Techniciens Supérieurs (BTS) sachant qu’une partie de ces formations supérieures, ayant lieu dans les lycées, ne font pas actuellement le plein et qu’il reste chaque année des places non pourvues.
Enfin, l’annonce de l’introduction dans le projet de loi « travail » d’un amendement imposant le principe de la surtaxation[6] des Contrats à Durée Déterminée (CDD) ne jouera pas en faveur de la signature de Contrats à Durée Indéterminée. Une éventuelle hausse de la surtaxation déjà existante des CDD, à un niveau encore indéterminé, ne concerne pas, et de loin, que les jeunes. Son annonce dans un plan en faveur des jeunes est surprenante dans la mesure où elle suggère un lien exclusif entre CDD et jeunes.
UNE SURTAXATION DES CDD NE VA PAS DANS LE SENS DE L’EMPLOI
Cette annonce gouvernementale de surtaxation[7] risque d’avoir un impact sur le marché du travail pour plusieurs raisons.
Si le montant de cette surtaxe sur les CDD est élevé, cette mesure conduira à freiner la signature de CDD. Or, on sait déjà que la surtaxation introduite depuis 2013 sur certains CDD courts n’a pas empêché la multiplication de ceux-ci.
Les discours et les articles ne distinguent pas assez les motifs des CDD et globalisent le problème des contrats courts. Les CDD pour remplacement (congés maladie, congés maternité, congés parentaux, congés sabbatiques, etc.), les contrats aidés ou les CDD d’usage n’ont rien à voir avec les abus existants du recours de certains employeurs à des CDD successifs contournant l’obligation du recours à des CDI.
Ces abus sont du ressort de l’inspection du travail et de la justice prud’homale et une fois constatée ils doivent naturellement conduire à des requalifications de CDD en CDI lorsque des abus se produisent.
Beaucoup de commentateurs présentent les chiffres de manière fallacieuse en prenant en compte le nombre de CDD (souvent de quelques jours) et non le nombre de jours de travail correspondants à ces contrats.
Depuis plusieurs années, le constat majeur est la baisse du nombre des recrutements en CDI intervenant dans un contexte de la stagnation du nombre d’emplois dans le secteur privé et de la prolongation du nombre d’années travaillées imposées par la réforme des retraites. La conséquence est l’augmentation relative de la proportion du nombre de CDD par rapport à celui des CDI.
Les incertitudes sur les évolutions du droit du travail entretenues par le contenu fluctuant des nombreux articles de la loi « travail » imposent aux employeurs un comportement prudent concernant leurs embauches.
LA SURTAXATION DES CDD S’INSCRIT DANS LA NÉGOCIATION DE L’ASSURANCE CHÔMAGE
La motivation de la surtaxation des CDD ne peut s’expliquer que par la volonté de jouer sur les recettes de l’Unédic. En effet les chiffres prouvent que les cotisations des salariés en CDI couvrent plus que largement les assurances chômage versées suite à la rupture des CDI, ce qui n’est pas le cas pour les CDD ou pour le régime des intermittents du spectacle. Une tentation existe de traiter à part, d’une certaine manière, les régimes d’assurance chômage des CDD en distinguant l’origine des chômeurs indemnisés.
Ce débat se comprend sur l’équilibre des comptes de l’assurance chômage se comprend. Mais il n’a rien à voir avec la politique de l’emploi.
[1] Avec le plan présenté aujourd’hui, le Gouvernement continue de mobiliser des moyens exceptionnels et en même temps à inscrire son action dans la durée. Pas pour éteindre une contestation, le sujet n’est pas là, mais pour répondre à des inquiétudes profondes qui nécessitent une réponse dans la durée, et qui se sont exprimées au cours de ces dernières semaines. » (Manuel Valls).
[2] Cette « bourse échelon zéro » offre la gratuité des droits d’inscription en université sans comporter de versements jusqu’à présent. Le projet d’un montant forfaitaire est évoqué depuis des années sans avoir été concrétisé !
[3] Cette mesure aura une portée limitée, car de nombreux boursiers arrivés en fin d’études (diplômés ou non) reprennent une inscription universitaire dans une quelconque formation pour continuer à bénéficier d’une bourse durant leur recherche d’emploi. Les contrôles de cette pratique sont rares. Pourquoi donc choisir une prolongation de 4 mois, quand on peut avoir une bourse pour une année complète ?
[4] Le projet de « garantie locative universelle » est un vieux projet qui tarde encore à être mis en place. Pour surmonter ce problème, un système s’est mis en place au niveau des bailleurs.
[5] 30 000 à 50 000 jeunes « autonomes », c’est-à-dire n’ayant plus de lien fiscal avec leur famille, pourraient à terme bénéficier d’une couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ; un projet également très ancien jamais mis en œuvre.
[6] Cette surtaxation devra passer par la modulation des contributions patronales à l’assurance-chômage, dont les partenaires sociaux doivent définir les conditions dans le cadre de la négociation du nouvel accord UNEDIC.
[7] Cette décision de surtaxation revient normalement aux partenaires sociaux dans le cadre de la négociation de l’accord Unédic. L’intervention du gouvernement en parallèle de la négociation peut s’avérer contre-productive.
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