Le problème de l’évolution des postes et des profils recherchés se pose dans l’Industrie et conditionne les emplois actuels et à venir. Il apparait relativement plus important que dans d’autres secteurs en raison de l’évolution des productions et des modes de production (robotisation, IA, etc.). Le succès est étroitement lié à la réactivité du recrutement dans un contexte mondialisé.
La situation de l’emploi dans l’industrie est, pour résumer, celui d’une stabilisation des effectifs intervenant après une période assez longue de diminutionr. S’ajoute à cela, des difficultés de recrutement, sur certains types de postes, liées à un un manque de profils compétents et à une faible attractivité des entreprises industrielles. La communication du secteur vise donc à rendre plus attractif l’Industrie, ses emplois et les formations y conduisant[1].
LA PRÉVISION DES EMPLOIS NÉCESSAIRES À L’INDUSTRIE DE DEMAIN EST RELANCÉE.
La ministre du Travail est intervenue lors du Conseil national de l’industrie (CNI)[2] pour évoquer les « accords d’engagement de développement de l’emploi et des compétences (EDEC) », portés par le ministère, qui devraient être mobilisés pour accompagner les filières industrielles[3].
Ces EDEC sont destinés à devenir des outils au service de la stratégie « emploi et compétences » des entreprises.
Illustration de la démarche : un projet innovant d’EDEC inter filières vise à résoudre les difficultés de recrutement dans l’industrie. Il doit favoriser les passerelles interprofessionnelles à l’échelle d’un territoire et devrait être expérimenté dans 4 régions. Cet EDEC concernera, notamment, trois métiers rencontrant des difficultés importantes de recrutements constatées dans la métallurgie et l’alimentaire :
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Conducteur de ligne,
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Conducteur de machine et
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Technicien de maintenance.
La stratégie industrielle définie repose sur 4 volets logiques : l’amélioration de notre compétitivité-coût, l’innovation, la formation et une forte présence territoriale (124 territoires sont ciblés).
LE DÉVELOPPEMENT DES FORMATIONS EN APPRENTISSAGE AU BON NIVEAU RESTE À CONCRÉTISER
Les branches professionnelles de l’industrie se sont engagées[4] à augmenter le nombre d’apprentis accueillis dans ce secteur de 40 % d’ici à 5 ans. Ce qui correspond à un objectif annuel de 87 000 au lieu de 62 000.
Les branches professionnelles ont désormais[5] la responsabilité de déterminer le nombre de places à créer en CFA selon les besoins prévisionnels en compétences. Le secteur de l’industrie est probablement l’un de ceux où cette disposition peut s’appliquer compte tenu des observatoires existants.
Toutes les branches professionnelles actuelles, avant fusion éventuelle de certaine, ne disposent pas encore des mêmes capacités de prévision.
Reste à démontrer que les freins au développement de l’apprentissage seront levés dans un contexte industriel en évolution très rapide : robotisation, fermeture et ouverture de productions, relocalisations, créations de nouvelles activités, etc.
La loi « avenir professionnel » prévoit le remplacement, à compter du 1er janvier 2019, de quatre dispositifs d’aide aux employeurs d’apprentis par une nouvelle aide unique, ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat (niveau IV ou V).
La mesure en faveur de l’apprentissage, prise par le gouvernement, cible les apprentis préparant un diplôme égal au maximum au baccalauréat… Les jeunes préparant un BTS, une licence ou un mastère 2, en apprentissage, n’y auront pas droit. Or ce sont les niveaux de qualification des métiers qui vont se développer dans les branches industrielles.
LES PUBLICS DES FORMATIONS PROFESSIONNELLES PROMUES NE CORRESPONDENT PAS BIEN AU NIVEAU DE FORMATION REQUIS.
Le paradoxe est que, au-delà du besoin actuel en ouvriers qualifiés dans certaines branches industrielles, l’évolution des modes de production conduit à des besoins en personnels ayant des qualifications post bac (au minimum bac+2) alors que la politique de formation menée (Plan d’investissement compétences) vise explicitement des « jeunes décrocheurs » et des « demandeurs d’emploi non qualifiés ». À quelques exceptions près (et il en existe évidemment), le projet semble bancal.
Pour être clair, il semble qu’il faudrait viser la formation des jeunes ou chômeurs plus qualifiés (titulaires d’un bac) pour les mener aux postes qui devraient être à pourvoir progressivement dans l’industrie.
Par contre, le PIC devrait financer utilement :
« l’accompagnement des filières dans la modernisation de leur gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et l’analyse de la transformation des compétences à l’ère des transitions numérique et écologique »[6].
« L’ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES DES PERSONNES EST UN SUJET COMPLIQUÉ »
La mise en relation entre les besoins et l’orientation idéologique de la politique publique de formation reste à concrétiser. Cela sera sans doute le débat à l’issue des prévisions sur les formations nécessaires pour répondre aux demandes d’emplois dans l’industrie.
L’entretien accordé à La Tribune par le délégué général du think tank La Fabrique de l’industrie est intéressant, il illustre la vision politique de l’Uimm[7] sur les questions d’emploi dans l’industrie. Lire : https://bit.ly/2zbRVAH
J’extrais de cet entretien une formulation assez explicite du délégué général, Vincent Charlet :
« Le défi dans le cadre de l’industrie du futur n’est pas d’imaginer les métiers de demain. Je pense qu’au regard de la réactivité du système de formation le marché du travail répondra bien à la question.
En revanche, l’évolution des compétences des personnes est un sujet compliqué. C’est un sujet socialement et politiquement lourd. »
[1] Cette attractivité est promue à l’occasion d’évènements. Par exemple avec l’organisation au Grand Palais à Paris du 22/11/2018 au 25/11/2018 de « L’Usine Extraordinaire » à l’initiative de la Fédération des Industries mécaniques (FIM) et portées par la Fondation Usine Extraordinaire, abritée par FACE (Fondation Agir Contre l’Exclusion), pour faire connaitre « les industries qui innovent et produisent en France, montrer l’excellence des savoir-faire et susciter des vocations chez les jeunes en « réenchantant l’usine ».
[2] Le Conseil national de l’industrie (CNI) souhaite mettre en œuvre d’une stratégie de « reconquête industrielle. « La mission du CNI (crée en 2013) est d’éclairer et de conseiller les pouvoirs publics sur la situation de l’industrie et des services à l’industrie en France, aux niveaux national, territorial et international, en intégrant les enjeux à l’export. Il est présidé par le Premier ministre, et réunit les entreprises et les représentants des salariés autour de thèmes stratégiques comme la formation, l’innovation, le financement des entreprises, l’économie circulaire ou encore le développement international. » « Il se décline jusqu’à présent en 18 Comités Stratégiques de Filières (CSF), autour des grands secteurs de l’industrie française, et comprend également à ce jour 2 outils transversaux : CNI numérique et CNI international et 4 sections thématiques (ST) : économie circulaire, emploi et compétences, Europe, réglementation & simplification. »
« La ministre est revenue sur l’enjeu des compétences dans l’industrie : pas de performance économique sans performance sociale ; pas de compétitivité de l’industrie sans construction d’une nouvelle société de compétences. » Communiqué du ministère.
La notion de « Société de compétences » reste évidemment du ressort de la communication politique…
[3] « L’objectif est que l’ensemble des filières soit accompagné via la démarche EDEC d’ici à 2019. »
[4] 28 mai 2018.
[5] Selon les termes de la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».
[6] Plusieurs filières ont déposé un dossier en 2018 pour être accompagnées dans le cadre de l’appel à projets « Soutien aux démarches Prospectives Compétences », qui donnera lieu à la signature d’un EDEC pour les projets sélectionnés.
[7] UIMM : Union des Industries Métallurgiques et Minières
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