Pôle emploi vient de publier un article : « Quand la blockchain s’empare du recrutement[1] ». https://bit.ly/2OGqgwF . Ce thème appartient au domaine de la prospective, ou plutôt de la science-fiction. Mais il participe utilement à la réflexion sur la nature des données figurant dans les offres d’emploi (poste, salaire, perspectives, etc.) comme dans les candidatures (CV, compétence, références, etc.).
« La blockchain pourrait révolutionner à terme l’organisation des entreprises et en particulier le recrutement, en favorisant la traçabilité des informations fournies par les candidats », nous dit-on.
UN DÉBAT SUR LA NATURE DES DONNÉES DU RECRUTEMENT DOIT ÊTRE OUVERT
Avant de réfléchir à la circulation et aux échanges des données, il importe d’ouvrir un débat[2] sur la fiabilité, la pérennité, etc. de celles-ci, d’une part, concernant le contenu d’une offre d’emploi et, d’autre part, traitant des informations sur le profil d’une candidature.
EN PREMIER LIEU, LES DONNÉES SONT CONTEXTUALISÉES ET CHANGEANTES.
Un candidat présente ses atouts par rapport à une offre d’emploi. Le candidat fait un tri parmi les données qui le concernent en rapport avec une offre donnée dans une perspective de mobilité. A mon avis, la publication d’un profil sans offre n’a pas vraiment de sens[3]. Personne ne se résume à quelques dizaines d’items. Durant une recherche d’emploi, les critères de la recherche changent naturellement dans le temps en partant d’un projet initial confronté avec le marché du travail.
Un recruteur met en avant certaines caractéristiques d’un poste plutôt que d’autres, sciemment ou non. Une offre d’emploi n’est pas intangible, elle évolue souvent dans le temps, en fonction de demandes internes à l’entreprise et de réactions par rapport au profil des candidats reçus. Une entreprise « hésitera » à laisser en ligne l’historique de ses offres d’emploi dans un système ou un autre.
D’AUTRE PART, LA TRANSPARENCE DES DONNÉES CONCERNÉES NE VA PAS DE SOI POUR PLUSIEURS RAISONS.
Une entreprise choisit les données, sur elle-même, qu’elle met en ligne comme sur ces projets d’activité et de développement. C’est le secret des affaires qui règne. De même pour les offres de recrutement qu’elle émet d’une manière publique (mise en ligne) ou en usant de réseaux relationnels, dont le recours aux réseaux sociaux.
Par rapport à une tentative éventuelle de centralisation extérieure des données la concernant (dont ses offres d’emploi), une entreprise d’une certaine taille cherchera à conserver un contrôle. La maitrise de l’image de la société et de ses spécificités d fonctionnement repose sur un certain contrôle des données accessibles de l’extérieur. L’employeur est également tenu de respecter les dispositions légales sur les données concernant ses salariés (RGPD), etc.
De son côté, un candidat n’a généralement ni le souhait ni l’intérêt de mettre à disposition un grand ensemble de données le concernant allant de sa vie privée, à ses loisirs, à ses opinions ou à son parcours. La prévention des discriminations à l’embauche devrait l’inciter d’ailleurs, très fortement, à ne pas le faire ! La liste des thèmes de discrimination entre en relation avec la diffusion d’une partie des données individuelles mise en ligne dans une candidature.
ENFIN, LES FAUSSES DONNÉES SONT COURANTES DANS LES OFFRES D’EMPLOI COMME DANS LES CANDIDATURES.
Pour les candidats, il peut s’agir d’un jeu de présentation, d’oublis ou d’absences volontaires dans un parcours, et, enfin, figurent assez fréquemment des fausses informations, selon les enquêtes menées auprès des DRH tels que faux diplômes, diplômes non validés, expériences factices, durée allongée des contrats, titre et salaires antérieurs erronés, etc.
Pour les offres, les critiques abondent. Elles tiennent aux imprécisions dans le descriptif, au caractère réel du recrutement engagé[4], aux prérequis cumulés difficiles à remplir[5], etc. C’est un sujet en soi.
LE RECRUTEMENT EST UN ART ET PAS UNE SCIENCE
Le recrutement est un Art et pas une Science, c’est pourquoi la question de données est si sensible et que ce domaine reste à protéger dans les mois et les années qui viennent… dans l’intérêt des personnes comme des employeurs.
[1] « La blockchain est un système décentralisé dans lequel des données sont stockées sur un nombre indéterminé de serveurs capables de surveiller et d’authentifier en temps réel des modifications apportées aux informations. »
[2] Ce billet ne fait qu’évoquer très succinctement un débat qui doit s’ouvrir en amont de la construction de tous les nouveaux outils en ligne sur l’emploi et sur des pratiques qui vont se développer rapidement à partir de ces outils. Il ne s’agit ici que d’un balayage rapide sur ces sujets.
[3] Mon expérience professionnelle concernant les banques de CV, qui ont existé ou existent encore, me conduit à penser que cette approche n’est pas pertinente en dehors du secteur de l’Intérim ou des prestations offertes par des indépendants.
[4] Des professionnels et des syndicats affirment que la publication de nombreuses offres apparait comme le résultat d’un affichage de la bonne santé des entreprises. On peut ajouter, sans aller aussi loin, que des entreprises laissent en ligne des offres génériques pour alimenter un vivier de candidats utilisable en cas de besoin.
[5] Pour l’anecdote, au titre d’un recrutement issu de la diversité j’ai autrefois reçu une offre d’une compagnie pétrolière proposant un poste d’ingénieur, qui devait être un plongeur et parler russe.
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