Les prévisions de l’Insee sur la situation de l’emploi et du chômage à fin 2020 méritent une lecture critique tenant compte du contexte (chômage partiel et halo du chômage).
Par ailleurs ces prévisions ne semblent pas tout à fait en phase avec les prévisions économiques générales : « En moyenne annuelle, l’ordre de grandeur du recul du PIB en 2020 est confirmé à –9% ».
FIN 2020, IL DEVRAIT Y AVOIR 600 000 EMPLOIS SALARIES DE MOINS QU’A LA FIN 2019.
Selon l’Insee, entre fin 2019 et fin 2020, 597 000 emplois salariés pourraient avoir été auraient été détruits[1], soit -2,3% des effectifs d’avant-crise[2].
L’Insee part de l’hypothèse d’un recul de 300 000 emplois salariés au quatrième trimestre 2020. Cette prévision reste à confirmer, car l’impact économique de la seconde période de confinement (novembre-décembre) n’est pas encore connu.
Ce calcul ne tient pas compte du nombre de salariés en chômage partiel (chiffres de novembre non communiqués) qui, pour une part d’entre eux, ne retrouveront sans doute pas un emploi. En effet, il existe une catégorie de salariés qui restent sur un chômage partiel à temps plein et dont le retour à l’emploi semble peu probable dans les mois qui viennent.
L’Institut le reconnait et son constat est paradoxal. La chute des effectifs salariés[3] a été beaucoup plus modérée que celle de l’activité[4]. Le dispositif d’activité partielle a permis une rétention de main-d’œuvre « qui a concerné jusqu’à un salarié sur trois en avril ».
Il a néanmoins été accompagné de mesures de réduction des postes par :
- Le gel complet, ou partiel, des embauches en CDI et CDD,
- Le non-renouvellement des CDD à échéance ainsi que
- La baisse du recours à l’intérim[5]. »
LES DESTRUCTIONS D’EMPLOI VARIENT SELON LES SECTEURS
Elle se concentrent sur le secteur tertiaire marchand (81%) et l’industrie (16%)[6].
Le secteur de l’hébergement restauration est marquée par la situation exceptionnelle avec la perte de 201 000 emplois sur 2020, soit 17,3% de ses effectifs. Cela représente environ 34% du total des destructions d’emploi.
LE NOMBRE DES SALARIES ET NON-SALARIES BAISSERAIT DE PRES DE 700 000 EN UN AN.
Le total les destructions nettes d’emplois (salariés et non-salariés) atteindrait à 691 000 fin 2020 par rapport à fin 2019.
L’hypothèse retenue par l’Insee est que le nombre des travailleurs non-salariés baisserait au même rythme que l’emploi salarié.
LA PRÉVISION INSEE SUR LE TAUX DE CHÔMAGE APPARAIT INSUFFISANTE POUR MESURER LA SITUATION.
La prévision Insee sur le taux de chômage à la fin de l’année apparait contestable puisqu’elle annonce le retour à un taux de chômage de 8% (contre 9% à fin septembre), mais l’Institut annonce que « le halo autour du chômage augmenterait fortement au quatrième trimestre », sans chiffrer cette hausse[7].
Il sera important de considérer le total « taux de chômage + halo du chômage » pour juger de l’évolution réelle de la situation.
Par exemple, à la fin du second trimestre, le taux de halo du chômage était de 6,0%, s’ajoutant à un taux de chômage à 7,1%, pour totaliser 13,1% (chiffres Insee).
LA NOTION DE HALO DU CHÔMAGE EST TRÈS AMBIGUË DANS LE CONTEXTE ACTUEL DE CRISE
L’analyse de l’Insee est qu’un grand nombre important de personnes sans emploi interrompent leurs recherches pendant le confinement. Elles sortiraient ainsi du marché du travail au sens du BIT.
Même si ces personnes restent, par ailleurs inscrits à Pôle emploi. Ce qui participe aux écarts de chiffres entre l’Insee et Pôle emploi !
Ces travailleurs basculent alors du chômage vers le « halo autour du chômage » comprenant des personnes sans emploi qui souhaitent travailler, mais ne sont pas en recherche active et/ou ne sont pas disponibles.
La note de l’Insee enregistre, sur ce principe de sortie du marché du travail, la diminution de la population active de 620 000 personnes sur l’année 2020[8] au terme de fortes variations trimestrielles. Ce mode de calcul BIT peut apparaitre contestable…
[1] « En raison de la crise sanitaire et du premier confinement de la population (du 17 mars au 10 mai), l’emploi salarié a chuté de près de 700 000 en France au premier semestre 2020. Il a rebondi vigoureusement au troisième trimestre (+400 000 environ), mais en ne compensant qu’en partie les pertes du début d’année. Au quatrième trimestre, l’aggravation de la situation sanitaire et les mesures prises pour y faire face, notamment le deuxième confinement à compter du 30 octobre, se traduiraient par un nouveau recul de l’emploi salarié (environ –300 000). »
[2] Insee -Conjoncture française – Emploi et chômage – 15 décembre 2020.
[3] (–3,1 % en moyenne au deuxième trimestre 2020 par rapport au dernier trimestre 2019)
[4] (–18,8 % sur la même période)
[5] « Le taux de recours à l’intérim, qui est structurellement plus élevé dans la construction (environ 10 % de l’emploi salarié du secteur) a ainsi chuté en mars et avril, et explique à lui seul la quasi-totalité des variations de l’emploi dans ce secteur. »
[6] Extrait du Tableau 2 – Évolution de l’emploi salarié en milliers, CVS, en fin de période 2020.
Secteurs | Evolution | % de l’ensemble |
Agriculture | -5 000 | 0,8% |
Industrie | -96 000 | 16,1% |
Construction | -11 000 | 1,8% |
Tertiaire marchand | -484 000 | 81,1% |
Tertiaire non marchand | -1 000 | 0,2% |
Ensemble | -597 000 | 100,0% |
[7] « Le deuxième confinement instauré le 30 octobre a limité à nouveau les possibilités d’emploi et donc les recherches d’emplois dans les secteurs les plus concernés par les restrictions d’activité (tourisme, culture). Cet effet serait plus limité qu’au printemps mais, compte tenu d’un emploi qui serait quasi stable en moyenne trimestrielle, serait suffisant pour entraîner une nouvelle baisse du taux de chômage. »
[8] Extrait du Tableau 3 – Évolutions de l’emploi, du chômage et de la population active – Variation en moyenne trimestrielle en milliers, données CVS.
T1 | T2 | T3 | T4 |
Glissement annuel au T4 |
|
Emploi (1) | – 27 000 | – 790 000 | 312 000 | – 34 000 |
– 539 000 |
Chômage (2) | – 82 000 | – 287 000 | 628 000 | – 340 000 |
– 81 000 |
Population active = (1) + (2) | – 109 000 | – 1 077 000 | 940 000 | – 374 000 |
– 620 000 |
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