Un paradoxe réside dans la coexistence, d’un côté, d’un stock massif de chômeurs (inscrits ou non à Pôle emploi) et, de l’autre, d’offres d’emploi non pourvues. Il continue à faire couler de l’encre et à inspirer de nombreux discours…
L’Unédic pose ainsi la question :
« Comment se fait-il qu’avec 3,6 millions de chômeurs en France (Chiffres Pôle emploi nombre d’inscrits en catégorie A au 3ème trimestre 2020), il y ait encore environ 180 000 emplois vacants (Chiffres Dares au 3ème trimestre 2020) ? » – Unédic.
Le rapport entre ces deux chiffres est significatif. Le nombre d’emplois vacants correspond à 5% de celui des demandeurs d’emploi de catégorie A à fin septembre 2020.
Pour ma part, l’analyse du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) de 2013[1] reste la référence. Elle me semble toujours pertinente, même si des secteurs ou métiers ont pu évoluer[2].
A mon sens, ces dix dernières années, des rapports sur le marché du travail ont fait le tour de très nombreuses questions (sans doute pas toutes). Une grande part ont « tout dit »[3]. Par exemple, la bibliothèque de la DGAFP est remplie de rapports sur la politique des ressources humaines à mener dans la fonction publique, dont les propositions ont été généralement « classées » !
LE TERME « EMPLOIS VACANTS » NE TRADUIT PAS LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT.
Un mélange de termes correspondant à des réalités différentes est présent : « Emplois vacants », utilisé par l’Unédic, offres non pourvues, difficultés de recrutement ou métiers en tension.
On peut retenir deux cas[4] :
- D’une part, un poste à pourvoir demeure naturellement vacant pendant la durée du recrutement. Cette durée peut être jugé trop longue (pour des raisons variées qui peuvent être liées au recruteur lui-même). Le recrutement peut être abandonné, par exemple dans le cas d’un CDD de 4 mois d’un remplacement de congé maternité.
- D’autre part, l’employeur peut effectivement ne pas trouver profil adapté à sa recherche, pour des raisons diverses.
Anecdote : l’exemple qui m’a été donné, lors d’un rdv avec une DRH, est celui d’une compagnie pétrolière était la recherche d’un ingénieur, pratiquant la plongée sous-marine et parlant couramment russe (authentique !).
Caractériser les différents cas de figure existants, depuis l’emploi temporairement vacant jusqu’à l’échec du recrutement, apparait important.
LE BON TERME A UTILISER EST CELUI D’« EMPLOIS DURABLEMENT VACANTS ».
A partir de là, il convient :
- De connaitre le nombre et localisation des « emplois durablement vacants »[5].
- D’analyser les causes des difficultés de recrutement et leur nature.
- De définir et mettre en œuvre une stratégie visant à améliorer le fonctionnement du marché du travail. C’est-à-dire améliorer les mécanismes d’appariement entre emplois et candidats sur le marché du travail.
Tout reste à améliorer, mais il faut se méfier des confusions.
Certains mélangent, par ignorance ou par calcul, ces situations. Quand je dis « par calcul », je pense à des responsables politiques qui accusent des chômeurs de refuser des postes disponibles, par exemple en refusant de « traverser la rue » et qui souhaitent réformer l’assurance chômage avec une réduction des droits.
IL EST INTÉRESSANT DE CONSTATER QUE LES PROFESSIONS RENCONTRANT DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT ONT TRÈS PEU ÉVOLUÉ DEPUIS 2013.
Le rapport précisait qu’existait :
« … des difficultés de recrutement importantes dans les métiers :
- Des industries mécaniques et du travail des métaux : ouvriers qualifiés travaillant par enlèvement et formage de métal, techniciens et agents de maîtrise des industries mécaniques ;
- De l’électricité et de l’électronique : dessinateurs en électricité et électronique ;
- Des industries graphiques : ouvriers qualifiés de l’impression et du façonnage des industries graphiques ;
- De la maintenance : techniciens et agents de maîtrise de la maintenance ;
- De la santé : aides-soignants, infirmiers, médecins, professions paramédicales ;
- De l’informatique : ingénieurs et cadres d’études et développement en informatique ;
- Du commerce : attachés et cadres commerciaux[6]. » – COE.
Le rapport disait d’ailleurs que les études se faisaient « sans que la mobilisation à des fins opérationnelles de ces travaux ne soit systématique[7] » !
[1] Emplois durablement vacants et difficultés de recrutement – Rapport publié le 01 octobre 2013 – Conseil d’orientation pour l’emploi (COE). https://bit.ly/3mCU3HA
[2] Certains experts disent qu’il va y avoir des gisements d’emploi dans le numérique (certain !) et dans la transition écologique (discutable !).
[3] « Dans un contexte de chômage élevé, l’existence d’emplois ne trouvant pas preneur est un paradoxe fréquemment dénoncé dans le débat public. Les chiffres avancés comme les termes utilisés pour décrire cette situation sont nombreux et imprécis, révélant l’absence de diagnostic clair sur le sujet. »
[4] « Les employeurs déclarent qu’une proportion significative de leurs recrutements est difficile. Plusieurs enquêtes déclaratives portant sur les difficultés de recrutement anticipées ou constatées par les employeurs donnent des résultats convergents. » « Ces difficultés de recrutement déclarées par les employeurs se traduisent par deux phénomènes avérés dans les statistiques du service public de l’emploi : les emplois durablement vacants et les abandons de recrutement. » Extraits du rapport du COE (2013).
[5] « À travers leurs études, les experts de l’Unédic s’attachent quotidiennement à objectiver les trajectoires des demandeurs d’emploi et les réalités du chômage. Ces « suspensions » d’activité entrent en résonnance avec la période de crise sanitaire que nous vivons actuellement et qui impose le confinement et le chômage partiel à une large population de salariés. » – Unédic.
[6] « On peut ajouter à cette liste non exhaustive d’autres métiers, qui apparaissent dans d’autres travaux ou qui rencontraient d’importantes difficultés avant la crise : les aides à domicile, les métiers de l’hôtellerie-restauration (cuisiniers et employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie-restauration), les conducteurs (engins agricoles, transport en commun, engins du BTP, etc.) ou encore les métiers de bouche (boucher, charcutier, boulanger, pâtissier, etc.). » – COE
[7] « Les difficultés de recrutement ne sont pas uniformes sur l’ensemble du territoire et font l’objet de travaux menés localement, avec des méthodologies très diverses et sans que la mobilisation à des fins opérationnelles de ces travaux ne soit systématique. » – COE.
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