Les « mesures exceptionnelles », prises dans le contexte de la crise sanitaire de 2020 2021, en faveur des employeurs commencent à faire l’objet d’une analyse critique. En particulier, il faut tenter d’estimer la prise en compte de l’ampleur des fraudes constatées ou non.
DES FRAUDES AU CHÔMAGE PARTIEL, AU FONDS DE SOLIDARITÉ ET AU PRÊT GARANTI PAR L’ÉTAT ONT ÉTÉ IDENTIFIÉES.
Selon le récent rapport du service de renseignement du ministère de l’Économie, TRACFIN[1], les fraudes au chômage partiel, au Fonds de solidarité et au Prêt garanti par l’État (PGE), observées en 2020, se sont multipliées en 2021[2].
Certains employeurs fraudeurs ont détourné de manière simultanée plusieurs de ces dispositifs.
Dans son rapport 2021, TRACFIN confirme avoir transmis plus de cinquante dossiers à l’autorité judiciaire concernant le détournement, à des fins frauduleuses, pour environ 16 millions d’euros[3].
Cela a concerné les dispositifs suivants :
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Indemnisation du chômage partiel : 36 signalements (11,5 M€) ;
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Fonds de solidarité : 9 signalements (964 200 €) ;
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Prêt Garanti par l’État (PGE) : 7 signalements (3,8 M€).
Ce décompte correspond aux signalements qui ont été fait.
Certains observateurs pensent que les chiffres qui précèdent ne représenteraient que la partie immergée de l’iceberg des fraudes réalisées sur ces trois mesures.
LES CONDITIONS DES ESCROQUERIES.
Les escroqueries au chômage partiel ont été « facilitées par l’allègement des conditions d’octroi de l’aide, versée sur la base d’éléments déclaratifs renseignés en ligne » avec usurpation de raison sociale du numéro SIRET, déclarations mensongères ou falsifiées ou usurpation de l’identité de l’Agence des services et de paiement (ASP)[4]…
Le processus de chômage partiel, mis en œuvre dans l’urgence, n’aurait pas intégré des clauses préalable de sécurité pourtant nécessaires.
C’est par exemple le cas de l’absence d’un contrôle automatique de la réalité de la situation de salariés, en cours de contrat, de l’ensemble des bénéficiaires avant les versements.
Le dispositif initial aurait été modifié pour contribuer à prévenir la multiplication de ces fraudes à l’aide de plusieurs mesures[5], suite au rapport 2020 de TRACFIN.
Les escroqueries au Fonds de solidarité concernent souvent « des personnes morales dormantes, non éligibles au dispositif ou qui ne présentaient pas de difficultés financières particulières »[6].
C’est-à-dire que l’automaticité de la mesure mise en œuvre a échappé à un contrôle préalable de situation.
L’arnaque au fonds de solidarité aurait souvent été combinée à celle sur le chômage partiel.
Les prêts garantis par l’État (PGE) auraient été un peu protégé par la fraude « grâce à une sensibilisation et une responsabilisation importante des établissements bancaires prêteurs qui ont pu se reposer sur une connaissance avancée de leur clientèle ».
Mais on constate,
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D’une part, des incertitudes sur les conditions d’affectation des fonds et d’encadrement quant à leur utilisation finale (opacité de situation sans forcément volonté de détournement) et,
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D’autre part, de vraies escroqueries avec faux, abus de confiance au préjudice de l’établissement prêteur et abus de biens sociaux.
TRACFIN a déjà identifié des cas de fraudes au PGE. Mais il faudra encore attendre pour juger de l’opportunité réelle de ces prêts.
Le dispositif de remboursement du PGE, initialement prévu jusqu’au 1er janvier 2022, a été prolongé de six mois supplémentaires. Et les derniers remboursements de PGE devraient intervenir au plus tard le 30 juin 2024.
« Le degré de vulnérabilité du dispositif ne pourra être réellement évalué qu’à partir du moment où les échéances de remboursement seront exigibles. ».
La chute exceptionnelle du nombre annuel moyen des faillites d’entreprises, en 2020 et 2021, pourrait laisser supposer que certaines entreprises en difficulté pourraient avoir indument profiter de ces prêts sans être à même de procéder aux remboursements (ou à leur intégralité).
[1] Tracfin est l’acronyme de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins. Ce service de renseignement français est chargé de la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il est rattaché au ministère de l’Économie et des Finances.
[2] « Au cours des douze derniers mois, les fraudes les plus importantes constatées, tant en volume qu’en enjeux financiers cumulés, concernent les dispositifs d’accompagnement économique mis en place durant la crise sanitaire à la fin du premier trimestre 2020 » – Tracfin.
TRACFIN 2021 – I. Activité et analyse – page 58 – https://www.economie.gouv.fr/files/2022-07/Tracfin_2021_Web.pdf?v=1658933771
[3] Pour faciliter la suspension des versements en cas d’évacuation rapide des fonds, TRACFIN a également adressé à l’administration fiscale 107 notes d’information concernant le fonds de solidarité pour un enjeu total de 8 M€ et a collaboré avec l’Agence de service et de paiement (ASP), organisme chargé de verser l’aide au chômage partiel, sur 172 dossiers totalisant 16 M€.
[4] Les agents de Tracfin ont souvent détecté la réactivation de sociétés après des périodes de « mise en sommeil », des montants perçus incohérents, ou des indemnités non utilisées à des fins de versement de salaire.
[5] Allongement du délai de validation du dossier de 48 heures à 15 jours, recours à la visualisation de données pour identifier les demandes suspectes, élaboration de listes d’entreprises à vérifier, et contrôle a posteriori sur pièces et sur place par les équipes du ministère du Travail.
[6] « Le critère d’éligibilité au fonds de solidarité demeure toutefois complexe à apprécier, notamment le respect de la condition de la perte de chiffre d’affaires lorsque les entreprises ne respectent pas leurs obligations fiscales. »
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