Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit un déficit des comptes de la Sécurité sociale de 5,4 milliards d’euros en 2019 et de 5,1 milliards d’euros en 2020[1] et [2].
Le retour à l’équilibre n’est prévu qu’en 2023. L’amélioration annoncée des comptes pour 2019 n’a pas été réalisée, le déficit du régime stagne au niveau qui était le sien en 2017.
D’une part, il y a un ralentissement de la croissance ; d’autre part, des mesures d’urgence sociales ont été décidées fin 2018[3] pour 2019. Elles conduisent à ce résultat négatif[4].
Ces mesures de 2019 seront renouvelées a priori pour 2020, ce qui explique les prévisions de déficit pour les années à venir…
DES DISPOSITIFS D’EXONÉRATION DES CHARGES SOCIALES ONT ÉTÉ MIS EN ŒUVRE PROGRESSIVEMENT PRINCIPALEMENT POUR RÉDUIRE LE COUT DU TRAVAIL ET FACILITER L’EMPLOI
Des décisions politiques ont fixé des exemptions sur les prélèvements sociaux ou les cotisations sociales. Elles sont diverses et concernent la CSG, la CRDS ou les cotisations obligatoires des régimes obligatoires de protection sociale.
L’expression de « niches sociales » est parfois employée à mon sens à tort pour désigner les dispositifs d’exonération, je ne reprend pas ce terme.
Voir Chapitre II : Les « niches sociales » : des dispositifs dynamiques et insuffisamment encadrés, une rationalisation à engager – Sécurité sociale 2019 – octobre 2019 – Cour des comptes – www.ccomptes.fr
La motivation de la plupart de ces exonérations a été de réduire le cout du travail et de favoriser l’emploi des salariés[5].
- Par exemple, des mesures ont été prises pour favoriser l’embauche des apprentis, des personnes en contrats de professionnalisation, ou des personnes en chantiers d’insertion.
- D’autres concernent les cotisations sociales employeurs sur les bas salaires, etc.
- Plus récemment, le passage du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) à une baisse de cotisations sociales diminue le coût du travail, mais s’accompagne d’un impact financier important sur les régimes sociaux.
UN RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES CRITIQUE LA GESTION DES DISPOSITIFS D’EXONÉRATIONS
Le PLFSS[6] 2019, prévoyait que le montant de ces exemptions était de 66 milliards d’euros, dont 52 milliards d’euros visaient à réduire le coût du travail et à stimuler l’emploi.
Or, le récent rapport de la Cour des comptes estime leur cout réel à plus de 90 milliards d’euros, soit une dépense supplémentaire de 24 milliards d’euros. C’est pourquoi la Cour des comptes dénonce une absence de chiffrage de certains dispositifs et une sous-estimation de leurs coûts.
La charge des exemptions de cotisations doit normalement[7] être compensée par le budget de l’État. Mais, ce n’est plus tout à fait le cas par différentes méthodes, ce qui participe directement à la permanence du déficit de la sécurité sociale. Le débat parlementaire abordera cette question une nouvelle fois ; une compensation de l’État permettrait, en effet, le retour à l’équilibre du régime…
En se basant sur les chiffres annuels du PLFSS, le rapport de la Cour des comptes précise que le coût des exonérations « sociales » serait passé « de 32,8 milliards d’euros entre 2013 et 2019, passant de 34 milliards d’euros à 66 milliards ». Il aurait donc presque doublé en 6 ans…
Enfin, le rapport met en cause l’insuffisance du contrôle des 88 dispositifs, figurant dans le PLFSS 2019. 12 seulement auraient été évalués[8]. Il déplore l’absence d’un examen critique suffisant du fonctionnement de chacune des exonérations. Le rapport indique que ni l’URSSAF ni l’Acoss[9] n’exploitent pas encore toutes les possibilités des contrôles automatisés permettant de détecter les anomalies dans les déclarations des employeurs (ce reproche concerne également la lutte contre la fraude sociale).
En conclusion, la Cour des comptes demande une évaluation précise des dispositifs les plus importants, pour pouvoir « supprimer les dispositifs inefficaces« .
LES EFFETS DES EXONÉRATIONS DE CHARGES SOCIALES SUR L’EMPLOI SONT DIFFICILES À ÉVALUER
La mesure de l’impact direct et/ou indirect des exonérations de charges sur l’emploi n’est pas précise. Les chiffres parus restent incertains.
Mais les exonérations de cotisations sont intégrées, depuis 25 ans, dans le cadre de la gestion des ressources humaines, dont évidemment les embauches, pour une partie au moins des employeurs. Certaines branches professionnelles et entreprises en profitent davantage que d’autres. Ces exonérations sont devenues, de fait, le plus important volet de la « politique pour l’emploi » tant par le nombre de salariés concernés que par l’importance du budget.
Le budget de la mission « travail et emploi » pour 2020 se situe à 13,5 milliards d’euros contre 66 milliards, au moins, pour les exonérations de cotisations sociales.
C’est peut-être sous cet aspect comparatif des éléments de la politique de l’emploi qu’il conviendrait de se poser des questions.
La suppression d’un dispositif ou d’un autre semble difficilement envisageable dans le contexte actuel d’un chômage de masse persistant. Mais cela peut devenir une tentation politique et budgétaire, au même titre que la réduction de l’indemnisation chômage qui va être mise en œuvre en cette fin 2019.
Des questions méritent d’être posées en termes de ciblage sur les bas salaires jusqu’à quel niveau, la taille des entreprises concernées, etc. comme le suggère la Cour des comptes.
[1] Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2020 (PLFSS) – https://bit.ly/2ov0hkG
[2] Le déficit concerne les branches vieillesse et maladie. La branche maladie devrait passer de -700 millions d’euros en 2018 à -3 milliards en 2019 et en 2020. La branche vieillesse, de -200 millions d’euros en 2018 à -2,1 milliards en 2019 et -2,7 milliards en 2021. Les prévisions de soldes des branches « accidents du travail » et « famille » sont positifs.
[3] Discours d’Emmanuel Macron du 10 décembre 2018.
[4] Le président de la République a annoncé, en particulier :
- l’avancement au premier janvier 2019 (au lieu du premier septembre 2019) de l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires,
- la réduction de la CSG pour les retraités ayant une pension inférieure à 2.000 euros et
- une exonération de cotisations et contributions sociales sur les primes exceptionnelles versées par les entreprises avec un plafond fixé à 1.000 euros.
Le coût de la première mesure est estimé à 1,3 milliard d’euros et la seconde à 1,5 milliard d’euros.
[5] Les exonérations ciblées visent à privilégier l’emploi pour des publics prioritaires : bas salaires, apprentis, stagiaires, salariés en contrat de professionnalisation, etc., sur un territoire (exonérations géographiques) ou pour un type d’emploi spécifique (exonérations sur les services à la personne).
Tandis que d’autres exonérations concernent tous publics, sauf conditions de ressources : heures supplémentaires, primes de fin d’année, etc.
[6] Projet de Loi de Finance de la Sécurité Sociale.
[7] Loi du 25 juillet 1994.
[8] « Parmi les 18 niches dont le coût dépasse 100 millions, seules 8 faisaient l’objet de tels contrôles en 2018 »
[9] Administration Centrale des Organismes de Sécurité Sociale.
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