LE GOUVERNEMENT A CHOISI D’ENCOURAGER LE RECOURS AUX HEURES SUPPLÉMENTAIRES PAR DES MESURES D’EXONÉRATION DES CHARGES ET DE FISCALITÉ.
Depuis le 1er janvier 2019, la globalité des montants issus des heures supplémentaires[1] est exonérée de cotisations salariales d’assurance vieillesse de base et complémentaire, dans la limite de 11,31 % du salaire[2].
La reconduction de cette disposition est prévue dans le PLF 2020.
Pour les salariés qui en bénéficient, soit près de 40% des salariés du privé, la rémunération au titre des heures supplémentaires représente, en moyenne, de l’ordre de 10% de leur rémunération totale. Cela représente un pouvoir d’achat significatif.
D’autant que les heures supplémentaires effectuées en 2019 seront exonérées de l’impôt sur le revenu dans une limite de 5 000 € par an. Les heures supplémentaires au-delà de ce plafond seront soumises à l’impôt.
« L’exonération de l’impôt sur le revenu dans une limite annuelle égale à 5 000 € des rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2019 » correspond à un budget adopté de 1,03 milliard d’euros pour 2019 et en voie d’adoption de 1,88 milliard pour 2020 (PLF 2020).
CE DISPOSITIF ACCROIT LE POUVOIR D’ACHAT D’UNE PART DES SALARIES. MAIS, À CE STADE, IL N’A PAS CONTRIBUÉ AU DÉVELOPPEMENT DU NOMBRE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES.
Pour 2019, on a enregistré 229 millions d’heures supplémentaires au 1er trimestre, puis 246 millions au second trimestre 2019[3] ; soit 475 millions d’heures au premier semestre 2019.
Mais ces chiffres sont équivalents à ceux de 2018[4].
La mesure n’a pas entrainé une progression du volume des heures supplémentaires. Or le cout de l’exonération de charges atteint, pour le premier semestre 2019, les 835 millions d’euros !
CE CHOIX APPARAIT DISCUTABLE POUR PLUSIEURS RAISONS
L’encouragement des heures supplémentaires satisfait les partisans du retour à un horaire hebdomadaire supérieur à 35 heures.
Mais il a un effet assez inégalitaire dans la mesure où il concerne moins de 40% des salariés du privé appartenant à des secteurs précis. Plus de 60% de salariés n’en profitent pas.
D’autre part, il incite l’employeur à augmenter les horaires de salariés en poste plutôt qu’à embaucher en créant un nouvel emploi.
- Dans certains cas, il s’agit de répondre à un besoin saisonnier ou ponctuel (plutôt que de recruter un salarié en contrat court).
- Dans d’autres cas, le recours aux heures sup est assez régulier et l’employeur pourrait lui préférer un recrutement à temps partiel ou temps plein. Le nombre de salariés est un amortisseur vis-à-vis des arrêts maladie ou de la prise de congés.
Le choix d’exonérer de charges les heures supplémentaires et de défiscaliser leur rémunération vise à renforcer le salaire des salariés en postes plutôt qu’à créer des emplois.
C’EST UN CHOIX POLITIQUE QUI APPARAIT CLAIREMENT, SI L’ON COMPARE :
-
LA DÉPENSE INDUITE PAR LES EXONÉRATIONS DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES ET
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LE MONTANT DES ÉCONOMIES PRÉVUES SUR LES INDEMNITÉS CHÔMAGE.
En caricaturant, on pourrait résumer en affirmant que les chômeurs vont payer les avantages offerts aux salariés qui font des heures supplémentaires.
RAPPEL HISTORIQUE SUR LES 35 HEURES
La question du rapport entre temps de travail et emploi est compliquée et prête à débat. Le passage aux 35 heures était motivé en partie par la volonté de créer de nouveaux emplois (période de 2000 à 2002)[5]. Mais s’il y a bien eu « réduction du temps de travail » à 35 heures, cela n’a pas entrainé une grande vague de création d’emploi. Cette réforme a surtout conduit à une réorganisation et une amélioration de la productivité dans un grand nombre d’entreprises. Elle a fréquemment été accompagnée d’une sorte de gel implicite des salaires pendant trois ans, permettant de compenser la diminution de 11% du temps de travail.
[1] « Toute heure de travail accomplie, à la demande de l’employeur, au-delà de la durée légale de 35 heures (ou de la durée équivalente) est une heure supplémentaire. Les heures supplémentaires ouvrent droit à une rémunération plus favorable (taux horaire majoré) au salarié ou à un repos compensateur équivalent à la majoration. Certaines heures supplémentaires ouvrent également droit à une contrepartie obligatoire en repos. » www.service-public.fr
[2] Décret du 24 janvier 2019 relatif à l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et complémentaires.
« Le décret fixe le taux d’exonération applicable aux cotisations salariales dues sur les heures supplémentaires. Il précise également les conditions d’application de l’exonération aux cas d’application d’une exonération totale ou partielle de cotisations salariales de sécurité sociale, de taux réduits, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, ainsi qu’aux régimes spéciaux. Il précise également les dispositions d’application de cette exonération aux salariés des régimes spéciaux. »
[3] Source : communiqué de presse ACOSS : « Heures supplémentaires : 835 millions d’euros exonérés au premier semestre 2019 » – 10/09/2019
[4] « Le nombre d’heures supplémentaires est traditionnellement plus fort en juin, en lien avec la saisonnalité de l’activité des secteurs utilisateurs, tels que l’hébergement restauration ou la construction. »
[5] La réforme des 35 heures est une mesure de politique économique française mise en place par le gouvernement Lionel Jospin à partir de l’année 2000 et obligatoire pour toutes les entreprises à compter du 1er janvier 2002, par deux lois votées en 1998 et 2000 fixant la durée légale du temps de travail pour un salarié à temps plein à 35 heures par semaine, en moyenne annuelle, au lieu de 39 heures précédemment, en contrepartie d’une plus grande flexibilité des horaires.
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