La réforme du Code du travail et du dialogue social est le sujet à la mode de la rentrée 2015, à côté de sujets comme l’arrivée de migrants en Europe et en France ou la préparation de la COP21.
LA CAMPAGNE EN FAVEUR DE LA REVISION, OU DE LA DISPARITION, DU CODE DU TRAVAIL EST ENGAGÉE
De multiples entretiens de personnalités et déclarations de responsables ont eu lieu. Divers rapports privés et un rapport public[1] sont parus tentant de gagner le prix de la proposition « décoiffante ». La plus grande part a été écrite par des hauts fonctionnaires souvent peu au fait de la réalité du secteur privé et de la pratique quotidienne du droit du travail. La sortie de cette littérature peut apparaitre comme organisée. En tous les cas, l’abondance d’analyses et de propositions nuit sérieusement à clarté des choses. Le débat apparait crucial, mais les solutions le sont moins.
Des politiques ont pris position de manière définitive pour ou contre la réforme…
Des journalistes se sont livrés à des développements d’ignorants dont l’argument principal est le poids du Code du travail. Le principal argument présenté face à l’opinion tient au nombre de pages du Code. L’image ou les films du gros livre rouge sont un must. Alors que les professionnels savent que la consultation du Code du travail se fait désormais en ligne sur le net et que l’accès aux textes ne pose que peu de problèmes.
Difficile de prendre position en ignorant tout du contenu du projet de loi qui ne devrait être rendu public qu’à la fin de l’année 2015. On ignore aujourd’hui quels axes seront retenues, ou pas, par ce projet de loi et quelles mesures seront définitivement adoptées et mises en œuvre.
DES PERSPECTIVES DE CHANGEMENT SONT OUVERTES.
Tous Les professionnels sont évidemment favorables à un travail de rerédaction/simplification de dispositions du Code du travail (un travail assez courant en fait). Certains demandent l’examen de réformes sur une série de points précis, mais le choix de ces points reste à débattre.
Au-delà de ce constat de bon sens, l’orientation qui semble transparaitre des propos du premier ministre est de permettre aux entreprises et aux branches professionnelles de déroger aux règles générales du Code du travail par des accords particuliers. Le premier ministre réaffirmant le maintien du temps de travail, du salaire minimum, du CDI, etc. le champ des possibles est bien bordé.
Chacun connait les limites des accords d’entreprises actuels. Quand ils sont signés, c’est généralement dans de grands groupes entre de puissants services RH et des professionnels du syndicalisme, sur des enjeux souvent multiples qui dépassent l’objet de l’accord. L’élargissement des accords d’entreprise devant être accompagné d’un renforcement des formes (obligation d’accord majoritaire), la mise en œuvre pratique serait sans doute assez rare…
Des accords d’entreprise seraient signés dans très peu de PME faute d’interlocuteurs ou de volonté de le faire.
Quant aux accords de branche, surtout postérieurs à une « fusion des branches » souhaitée par les technos[2] qui ne veulent avoir à faire qu’à une centaine de « grosses branches », ils restent hypothétiques[3].
Les partenaires sociaux ont commencé à faire part de leurs positions sur tel ou tel point précis, de manière plus significative. Elles sont souvent opposées au sein même du patronat (MEDEF contre CGPME et UPA) comme des confédérations syndicales (CFDT contre FO et CGT). Aucun consensus n’apparait en première approche.
LES ÉVOLUTIONS DU DROIT DU TRAVAIL N’AURONT QU’UN IMPACT INDIRECT SUR LE MARCHE DE L’EMPLOI
Les enjeux de cette démarche visant le Code du travail sont divers. Nul ne peut sérieusement dire quel serait le poids de telle ou telle modification du Code du travail sur la situation de l’emploi.
La simplification des procédures de licenciements, l’un des enjeux d’une réforme conduisant à des accords dérogatoires, peut avoir un enjeu sur la santé économique d’une entreprise. Mais s’il est probable qu’elle conduirait à une vague rapide, voire presque immédiate, de licenciements. Elle ne présenterait aucune assurance de faciliter réellement l’embauche, si la croissance n’est pas au rendez-vous.
Les évolutions éventuelles du droit du travail concernent d’abord la vie interne des entreprises et de leurs salariés mais également le développement, voire leur repli en ordre en cas de difficultés, de leurs activités. Elles ne concernent qu’indirectement la situation de l’emploi.
[1] Rapport « La négociation collective, le travail et l’emploi » de Jean-Denis Combrexelle remis le 9 septembre 2015 au premier ministre. Jean-Denis Combrexelle est un haut fonctionnaire membre du Conseil d’Etat. Il a occupé les fonctions de Directeur Général du Travail (DGT) pendant treize ans, puis a été nommé président de la section sociale au Conseil d’État.
[2] Le fantasme des « 100 branches professionnelles » ne correspond à aucune réalité de terrain, mais seulement à un souhait omniprésent de simplification illusoire du réel. Ceux qui pensent que réunir dans une seule branche des secteurs assez ou très différents va faciliter la signature des accords de branche majoritaires ne connaissent pas la réalité du terrain. On trouvera dans de « grandes branches » des profils d’entreprise aux situations économiques contrastées n’aspirant pas aux mêmes dispositions ni du coté patronal ni de la part des représentants du personnel.
[3] Voir le résultat des accords de branche signés dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité.
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