L’AGE DE L’ENTRÉE DES JEUNES DANS LA VIE ACTIVE APPARAIT COMME UN CRITÈRE MAJEUR POUR ÉCLAIRER LES DÉBATS SOCIAUX ACTUELS
L’âge d’entrée des jeunes dans la vie active apparait comme un critère majeur des débats actuels sur les retraites (débat en cours), sur l’aide sociale (projet de réforme du Revenu Universel d’Activité ou RUA) ou sur l’indemnisation-chômage.
Cette question ne semble malheureusement pas mise en avant dans les débats actuels.
Par exemple, on évoque l’élévation possible, directe ou indirecte[1], de l’âge de la retraite (de 62 ans à 64 ans voire davantage) sans considérer l’âge d’entrée dans la vie active.
Or pour rappeler une évidence factuelle, travailler à 24 ans semble préférable (en moyenne) au fait de travailler à 67 ans, pour prendre l’exemple de la durée actuelle de 43 ans de carrière.
Il semble donc judicieux de regarder quel est l’âge actuel d’entrée dans la vie active pour voir comment il serait possible de faire évoluer la donne actuelle.
UN INDICATEUR DE « L’ÉTAT DE L’ÉCOLE 2019 » PRÉSENTE L’AGE DE L’ENTRÉE DANS LA VIE ACTIVE DES JEUNES, LA PROPORTION DE CHÔMEURS ET D’INACTIFS
Le ministère de l’Éducation nationale publie chaque année « L’état de l’École » : « EE 2019 » pour cette année. Il présente une synthèse d’indicateurs statistiques qui apparaissent essentiels pour analyser notre système éducatif et pour apprécier les politiques publiques mises en œuvre. L’édition 2019 [EE 2019][2] comporte en particulier un indicateur 30 qui concerne « Le diplôme et l’entrée dans la vie active ». Cette approche porte évidemment sur plusieurs années, mais la stabilisation de la situation (flux de sortie des études) en fait un document remarquable, pour apprécier les parcours dans la vie active des jeunes.
La situation des jeunes âgés de 15 à 29 ans en 2018 vis-à-vis des études, de l’emploi, du chômage et de l’absence d’activité évolue selon l’âge. Le tableau des situations par âge[3] gagne à être interprété.
En effet, il distingue cinq catégories :
- Études initiales (sans cumul avec un emploi),
- « Cumul études initiales et emploi », cette catégorie comprend l’ensemble des formations en alternance, mais aussi des travailleurs suivant des études et des étudiants, qui travaillent moins de 8h par semaine (situation assez fréquente),
- Emploi, jeunes travaillant suite à la fin de leurs études,
- Chômage « au sens du BIT », c’est-à-dire entrant la catégorie selon l’Insee,
- Inactivité[4] : cette catégorie comprend à la fois des jeunes pour des motifs personnels (santé, mobilité, maternité, année sabbatique, etc.), mais aussi les jeunes chercheur d’emploi classés dans la « halo du chômage », selon les règles du BIT, employés par l’Insee.
Ces catégories peuvent s’analyser par ligne ou bien en regroupant avec des critères du type « en études », « en emploi » ou « sans emploi ».
- Le pourcentage en emploi, sans étude en parallèle, par âge donne des indications assez claires :
- Pour l’ensemble des jeunes de 15 à 29 ans, le taux d’emploi est de l’ordre de 38%, donc assez bas.
- Un nombre significatif de jeunes travaillent à partir de 19/20 ans (24% à 20 ans).
- La moitié des jeunes (51%) se trouvent en emploi à 23 ans.
- La proportion de jeunes en emploi entre 25 et 29 ans semble rester assez faible (72%).
- La proportion des jeunes en études reste élevée jusqu’à 17 ans (mineurs) à plus de 93%. Ensuite, la proportion des jeunes en études diminue progressivement de 80% à 18 ans, pour atteindre 17% à 24 ans et 5% pour les 25/29 ans.
Age | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25-29 |
Jeunes en études | 80% | 67% | 53% | 46% | 35% | 25% | 17% | 5% |
- La proportion des jeunes sans activité (jeunes au chômage ou inactifs), se maintient entre 22 et 24% entre 20 ans et 29 ans. Elle ne baisse pas, même si, dans le détail, les motifs évoluent sans doute avec l’âge.
Age | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25-29 |
Ni étude ni emploi | 3% | 5% | 6% | 14% | 19% | 22% | 23% | 22% | 24% | 23% | 23% |
C’est là où se situe un réservoir de travailleurs potentiels d’environ 900 000 jeunes de 20 à 24 ans et de 900 000 autres entre 25 et 29 ans. Sans compter 350 000 de 15 à 19 ans.
Sans toucher à la durée actuelle des études, il existe un grand nombre de jeunes inoccupés (en chômage déclaré ou non), comme en atteste les chiffres précédents qui seraient susceptible d’occuper un emploi et de commencer plus tôt qu’aujourd’hui leur carrière professionnelle.
Cet objectif relève d’un choix politique qui n’a pas été pris.
D’une part, le système éducatif, puis universitaire, incite les jeunes à poursuivre leurs études, sans trop prendre en compte les risques d’échec. Sa logique principale semble souvent tenir au remplissage « cynique » des établissements.
D’autre part, la politique de l’emploi vise à ne pas trop comptabiliser les jeunes inactifs, et à éviter de les faire figurer dans le chômage (d’où les 11 à 12% d’inactifs dans les statistiques de l’Insee pour les 20/29 ans).
Enfin, les tentatives de mener une politique d’emploi des jeunes (avec un secrétariat d’État dédié) n’ont pas eu de grand succès, car l’objectif, même si reconnu, n’a jamais été considéré comme réellement prioritaire.
Cette appréciation est une synthèse certes un peu caricaturale, mais elle s’avère assez proche de la réalité.
Aujourd’hui, ce projet même d’insertion professionnelle des jeunes parait à peu près abandonné, en dehors du recours à la formation professionnelle (alternance), dont la croissance reste marginale.
CALCULS ILLUSTRATIFS
Si l’on considère :
- l’âge d’entrée dans la vie active (colonne 1),
- une carrière de 43 ans[5] et
- une moyenne de 3 ans sans emploi, (aléas dans la carrière dans le privé, pour divers motifs),
les âges de fin de carrière en l’état actuel du régime des retraites sont déjà les suivants.
Age d’entrée en emploi | Age de fin de vie active | Idem avec aléas de vie |
18 |
61 |
64 |
19 |
62 |
65 |
20 |
63 |
66 |
21 |
64 |
67 |
22 |
65 |
68 |
23 |
66 |
69 |
24 |
67 |
70 |
25 |
68 |
71 |
26 |
69 |
72 |
28 |
71 |
74 |
Exemple : La moitié des jeunes qui se trouvent en emploi à 23 ans, prendront une retraite pleine, entre 66 et 69 ans, pour la plupart d’entre eux. Les autres plus âgés.
[1] Par l’allongement de la durée de cotisation pour une retraite pleine.
[2] Les publications de la Depp – L’état de l’École 2019 – Synthèses statistiques – Statistiques – publications annuelles – Numéro 29, novembre 2019 – https://www.education.gouv.fr/cid57102/l-etat-de-l-ecole-2019.html
Cette édition 2019 présente 30 indicateurs structurés autour de quatre thèmes principaux :
1 les élèves, présente les contextes de scolarisation de l’ensemble des élèves ;
2 l’investissement, expose les moyens financiers, les moyens en personnels et les conditions d’accueil des élèves ;
3 les acquis des élèves, synthétise les acquis des élèves évalués lors des évaluations nationales ou internationales ;
4 les parcours, l’orientation et l’insertion, décrit les parcours des élèves, leur orientation et leur insertion professionnelle.
[3] Tableau 30.1 La situation des jeunes âgés de 15 à 29 ans en 2018 (en %)
Age | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25-29 | 15-29 |
Études initiales | 96 | 90 | 87 | 71 | 55 | 41 | 34 | 24 | 16 | 10 | 2 | 37,2 |
Cumul études initiales et emploi | 1 | 4 | 6 | 9 | 12 | 12 | 12 | 11 | 9 | 7 | 3 | 6,5 |
Emploi | 0 | 1 | 1 | 6 | 14 | 24 | 32 | 42 | 51 | 60 | 72 | 38,3 |
Chômage au sens du BIT | 0 | 1 | 1 | 5 | 8 | 10 | 11 | 11 | 12 | 12 | 11 | 8,2 |
Inactivité |
3 | 4 | 5 | 9 | 11 | 12 | 12 | 11 | 12 | 11 | 12 | 9,9 |
Note : Les études initiales correspondent au parcours d’études amorcé à l’école élémentaire sans interruption de plus d’un an.
Champ : France métropolitaine + DOM hors Mayotte, données provisoires. Source : Insee, enquête Emploi ; calculs : MENJ-MESRI-DEPP.
[4] Elle comprend 2 % de jeunes en reprise d’études, selon cette note.
[5] Le chiffre de 43 ans de travail est celui des personnes nées en 1973 et après.
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