DES ACTEURS DU SECTEUR MÉDICO-SOCIAL ÉVOQUENT UNE FORTE PÉNURIE DE PERSONNELS
Ces dernières années, des acteurs du secteur médico-social évoquent une forte pénurie de personnels, qui conduit à ne pas pourvoir certains postes qui restent ainsi vacants.
La fédération Ile-de-France[1] de la Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne (Fehap) réunit des établissements du secteur privé non lucratif[2]. Elle a mené une enquête auprès de ses adhérents, puis une réflexion a abouti à la parution d’un « livre blanc ».
La démarche est intéressante, car elle traduit à la fois un effort pour bien chiffrer les pénuries de personnels qualifiés, pour repérer les métiers concernées et pour rechercher des solutions à mettre en œuvre, avec les partenaires.
Tous les secteurs professionnels, où des employeurs mettent en avant des difficultés de recrutement, n’ont pas adopté une telle démarche. Ils ne quantifient pas ni ne proposent des solutions en lien avec leurs partenaires potentiels.
LES MÉTIERS EN TENSION DIFFÈRENT SELON LES SECTEURS
- Pour l’accompagnement des personnes âgées, plus de 52% des responsables considèrent le métier d’aide-soignant comme en tension et 49% pour les métiers infirmiers.
- Dans le champ du handicap, les trois métiers jugés comme en tension étaient ceux de médecin (57%), de kinésithérapeute (46%) et d’orthophoniste (33%).
- Ce constat est similaire pour le secteur sanitaire avec des tensions majeures sur les postes de médecins (67%), kinésithérapeutes (67%), orthophonistes (39%) et infirmiers (33%).
- Dans le secteur de l’aide à domicile, sont considérés comme des métiers en tension les aides-soignants (56%), les infirmiers (29%) et les orthophonistes (24%).
CERTAINES FORMATIONS FONT FACE À UNE BAISSE DES INSCRIPTIONS D’ÉTUDIANTS DEPUIS QUELQUES ANNÉES.
Le Conseil Régional juge la situation est particulièrement tendue pour les aides-soignants. En effet, le nombre de diplômés a diminué en 2018 de 15% (par rapport à 2017). Il en est de même pour les accompagnants éducatifs et sociaux et les auxiliaires de puériculture. Ces constats de baisse du nombre des entrées en formation initiale préfigurent une progression du déficit en professionnels compétents.
RAPPEL : Le diplôme d’état d’aide-soignant, ou DEAS, est de niveau V. Aucun diplôme n’est obligatoire pour accéder à un concours d’entrée[3]. Le niveau d’étude en fin de formation équivaut au CAP. La formation dure ensuite 10 mois et comprend plusieurs semaines de stage obligatoires. Il est accessible en formation initiale ou en formation professionnelle.
Rémunérations de départ :
- En entrant à l’hôpital, un aide-soignant de classe normale gagne environ 1 495 euros brut, hors primes.
- Dans le secteur public, un infirmier de premier grade, c’est-à-dire diplômé d’État au terme de ses 3 ans de formation (Bac+3, grade licence), va débuter sa carrière avec un salaire d’environ 1 650 euros bruts/mois.
LES PROBLÈMES PORTENT SUR LE RECRUTEMENT ET DE LA FIDÉLISATION DES PROFESSIONNELS DU SOIN ET DE L’ACCOMPAGNEMENT PAR LES EMPLOYEURS.
On distingue trois aspects[4] :
- Le manque d’attractivité des métiers du soin et de l’accompagnement, qui pénalise très fortement les employeurs.
- Les conditions de travail, propres à ces métiers, qui sont susceptibles de générer absentéisme et turn-over. Les métiers du soin et de l’accompagnement sont des métiers souvent difficiles tant physiquement que psychologiquement[5].
- Les conditions de vie en Ile-de-France pour des personnels ayant de bas salaires[6] qui rendent le recrutement plus difficile dans ce secteur (questions relatives aux transports, à la garde d’enfants[7] et au logement).
DES ACTIONS DE REVALORISATION DE L’IMAGE DE LA FORMATION INITIALE SONT PROPOSÉES.
Les formations donnant accès à certains de ces métiers sont peu valorisées et peu valorisantes.
« Pour lutter contre ce problème de manque d’attractivité, il convient de retravailler sur l’image de ces métiers au travers d’une communication appropriée auprès tant des futurs professionnels du secteur en formation que des collégiens et lycéens et mêmes du grand public.[8] »
Le Conseil Régional d’Île-de-France pourrait contribuer à améliorer la communication sur ces formations et participer à leurs financements.
Pendant la formation, il semble nécessaire d’améliorer les conditions d’accueil des stagiaires dans les structures pendant leur formation en créant une charte d’accueil des stagiaires en établissements FEHAP. Il est question de permettre la formation des tuteurs de stage et de les valoriser.
Les modifications du parcours d’accès à ces formations (proportion de jeunes validant un bac, mise en place de Parcoursup et suppression du concours d’Infirmier) expliquent en grande partie la désaffection des lycéens et bacheliers professionnels, qui se trouvent attirés vers d’autres formations supérieures (universitaires en particulier). C’est un effet pervers du système d’orientation tel qu’il a été sciemment construit.
A l’arrivée des salariés dans les structures, il est proposé de renforcer, en interne, un tutorat aux nouveaux salariés par des salariés plus anciens. Cela permet de valoriser les salariés les plus anciens et d’assurer une meilleure intégration des nouveaux arrivants.
DES LOGIQUES DE PARCOURS POURRAIENT ÊTRE DÉVELOPPÉES
Les perspectives d’évolutions professionnelles pour les professionnels du secteur sont limitées. Le secteur envisage de « donner aux professionnels, entrant dans le secteur, davantage de perspectives de carrière, en favorisant la création de parcours professionnels cohérents »[9].
La notion de concurrence, en termes de recrutement et de carrière, avec les établissements publics ou du secteur privé marchand apparait clairement. Par exemple, dans le cadre de la pénurie d’infirmiers, le secteur privé lucratif augmente ses salaires pour recruter.
[1] En Île-de-France, la FEHAP réunit 848 établissements et services soit 52 839 lits ou places. (Aout 2019)
Établissements et services pour : | Nombre d’établissements | Lits et places |
Personnes Agées | 271 | 24 516 |
Enfants Handicapés | 61 | 3 191 |
Adultes Handicapés | 119 | 6 987 |
Adultes en difficultés sociales | 46 | 3 130 |
Protection de l’enfance | 26 | 1 290 |
Autres (crèches, formations…) | 183 |
[2] La Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne Privés Non Lucratifs a été créée en 1936. Avec la Fédération Hospitalière de France et la Fédération de l’Hospitalisation Privée, il s’agit de l’une des principales fédérations du secteur de la santé en France. Elle fédère plus de 1 600 organismes regroupant plus de 3 700 établissements des secteurs sanitaire, social et médico-social. Elle a cinq missions principales : elle défend les intérêts du secteur privé non lucratif, elle conseille et innove pour trouver des solutions face aux nouveaux besoins sanitaires et sociaux. Enfin, elle informe ses adhérents sur la législation et la réglementation. https://www.hospimedia.fr/actualite/themes/fehap
[3] Le concours d’entrée à la formation DEAS comprend des épreuves écrites d’admissibilité qui testent la culture générale en lien avec le domaine sanitaire et social, des connaissances en biologie et des aptitudes numériques. Un oral d’admission permet ensuite de démontrer sa connaissance du secteur sanitaire et social. Peuvent être dispensés des épreuves écrites d’admissibilité : les candidats titulaires du bac ou d’un diplôme reconnu équivalent ; les candidats titulaires d’un titre ou d’un diplôme du secteur sanitaire ou social reconnu au niveau CAP délivré en formation initiale ou continue ; les candidats ayant suivi une 1e année d’études d’infirmier et n’ayant pas été admis en 2e année ; les candidats titulaires d’un diplôme étranger permettant l’accès aux études universitaires de ce pays. https://www.moncompteformation.gouv.fr/espace-public/devenir-aide-soignante-aide-soignant
[4] La délégation régionale a décidé de parler de la problématique du recrutement des professionnels du soin et de l’accompagnement. Elle a ciblé l’ensemble des professionnels intervenant dans nos structures et pas uniquement les professionnels du soin, travaillant au sein des structures FEHAP en Île-de-France, de l’aide-soignant à l’infirmier, en passant par l’éducateur spécialisé, l’auxiliaire de vie ou le kinésithérapeute. À l’inverse, la question du recrutement des médecins est moins abordée le livre blanc, car c’est un sujet très clairement traité.
[5] « L’absentéisme et le turn-over qui impactent très largement le secteur accentuent les conditions de travail pénibles pour les salariés. Les équipes sont rarement complètes, certains professionnels doivent augmenter leur cadence pour compenser l’absence d’un collègue. »
[6] « Les aides-soignantes ont une rémunération très faible. Les infirmiers en fonction des conventions débutent avec des salaires très bas. Dans le cadre de la pénurie d’infirmiers, le secteur privé lucratif augmente ses salaires pour recruter. Le marché est très volatil, les offres d’emplois sont bien supérieures aux demandes. Dans ces conditions, les professionnels peuvent opter pour des CDD aux dépens d’un CDI. Certains ne font même que des vacations. » Livre blanc
[7] « Les professionnels du secteur du soin et de l’accompagnement sont majoritairement des femmes (ayant parfois la garde à plein temps de leurs enfants). Elles sont donc confrontées à la problématique de la garde de leurs enfants pendant leur temps de travail (souvent sur des horaires décalés, les WE et jours fériés). »
[8] Il est envisagé de lancer une campagne de communication nationale et/ou régionale de revalorisation des métiers du soin et de l’accompagnement pour endiguer la crise. Et de travailler en collaboration étroite avec les autorités de tutelle et renforcer les liens avec Pôle Emploi afin de favoriser une meilleure orientation des professionnels en reconversion vers ces métiers. Une convention a déjà été signée entre le conseil régional et Pôle emploi sur cet axe.
[9] PROPOSITIONS DE LA FEHAP IDF
Répondre au besoin des salariés d’établir un équilibre entre la vie professionnelle et vie privée. Envisager la possibilité de prévoir des accords d’entreprise infra régionaux pour un même secteur afin de valoriser les rémunérations et de renforcer l’attractivité d’un territoire. Voir la CCN 51 comme une convention plancher et non plafond et redonner de la souplesse et des marges de manœuvre aux structures pour attirer des professionnels.
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