LA CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT (CCC) DIFFUSE SES PROPOSITIONS PROVISOIRES.
L’opération de « démocratie participative » intitulé « Convention citoyenne pour le climat (CCC) »[1], logée au CESE[2], a été gelée par la crise sanitaire actuelle.
Suite à diverses tensions internes au groupe de 150 citoyens, et à ses animateurs, un rapport provisoire a été adressé au gouvernement le 9 avril[3]. Il comprend « 50 mesures » pour bâtir un plan de relance économique et écologique. Ce texte n’a pas été encore été adopté[4]. Il a volontairement été communiqué aux médias pour qu’ils s’en fassent l’écho, ce qui a effectivement été le cas…
On se trouve face à une manipulation très politique, organisée par les animateurs du groupe de citoyens (rapporteurs), qui contrôlent l’essentiel de la démarche, depuis le départ de cette action de communication gouvernementale.
Parallèlement à cette fuite, une « contribution de la Convention Citoyenne pour le climat au plan de sortie de crise » a été diffusée, le 9 avril, pour recommander au gouvernement de prendre en compte ces propositions de la CCC[5], lors du choix des mesures de relance post crise sanitaire[6].
J’ai choisi de ne pas commenter, dans ce billet, le montage de cette opération politique du CCC[7] permettant au gouvernement de se défausser, un temps au moins, du sujet de la politique environnementale. Je m’en tiens à l’analyse des résultats.
L’IMPACT POSSIBLE SUR L’EMPLOI DE CES PROPOSITIONS MÉRITE D’ÊTRE ESTIMÉ.
Sans entrer trop avant dans le détail, il est intéressant de balayer le regard de la CCC sur les mesures économiques et sociales à prendre, avec une préoccupation, propre à ce blog, qui concerne l’emploi.
En effet, il est de coutume de lire que le « développement vert » va créer des emplois[8]. Comme on a pu le constater les évolutions en cours ou envisagée ont plutôt tendance à faire évoluer des métiers qu’à en créer de nouveau. Les effectifs des métiers rattachés spécifiquement à ces mesures sont peu significatifs (traitement des déchets, etc.). La tendance reste à l’évolution de métiers existants et le renforcement de secteurs susceptibles de créer de l’activité. Les propositions du CCC ne changent pas grand-chose quant à ce constat déjà fait.
Voici les principales propositions qui ont fuitées.
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Investissements pour l’agriculture avec une priorité donnée aux circuits courts, qui privilégierait la production locale, durable, à faible coût environnemental[9], et limiterait les transports de produits alimentaires.
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Investissements pour les transports en commun et réduction de la place de la voiture individuelle (hormis les voitures sans essence). Interdiction, dès 2025, de la commercialisation de véhicules neufs « très émetteurs ».
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Relocalisation des activités « des secteurs stratégiques pour assurer notre sécurité alimentaire, sanitaire et énergétique » pour éviter le transport de marchandises sur des milliers de kilomètres.
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Interdiction dès 2023 de la publicité sur les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre » et, de manière plus générale, de « limiter fortement les incitations quotidiennes et non choisies » (sans commentaire).
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Obligation de rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici à 2040 avec des incitations et des sanctions (Rénover 20 millions de logements)[10].
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Lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols[11], pour protéger la nature et de réduire les émissions de CO2.
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Réduction du commerce international (flux d’import export).
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Limitation des innovations : la recherche publique ne devrait être financée dans les secteurs de l’innovation ayant un intérêt environnemental et écologique. Pour l’atteindre, ils proposent que « d’ici à 2025, tout soutien à l’innovation s’inscrive dans une logique de sortie d’un modèle basé sur le carbone ». Par exemple, renonciation au passage de la 4G vers la 5G qui générerait plus de 30 % de consommation d’énergie carbonée en plus, « sans réelle utilité (pas de plus-value pour notre bien-être) ».
DEUX EFFETS POSSIBLE DE CES PROPOSITIONS APPARAISSENT EN MATIÈRE D’EMPLOI
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Certaines propositions peuvent être accompagnés de créations d’emploi: sur le plan de l’agriculture (circuits courts), de la construction (isolation) et de l’industrie (relocalisation).
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D’autres propositions apparaissent vouloir freiner l’activité humaine et diminuer sérieusement le nombre des emplois : réduction du secteur automobile, gel des sols, limitation étroite de la recherche et de l’innovation, réduction du commerce international, privation de publicité de certains produits, réduction de la consommation, etc.
Le bilan de leur mise en œuvre serait donc négatif.
LES PRÉSUPPOSÉS DES PROPOSITIONS PLOMBENT L’ENSEMBLE.
Un certain nombre de propositions évoqués dans ce pré rapport semblent tout à fait judicieuses. Mais la tournure prise par le discours du « texte provisoire », d’une part du CCC, est de nature :
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Fortement politique sur le fond : « nouveau modèle de société »[12], « poser les bases d’une société plus juste et plus pérenne », « inégalité sociale », ou « une démarche durable et de justice sociale » , « un modèle économique et sociétal différent ».
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Trop impérative sur la forme : interdiction, obligation, réquisition, etc.
Pour mener les évolutions souhaitables en matière d’environnement, par exemple l’isolation thermique des Bâtiments, il ne semble pas nécessaire de changer de société, mais de redisposer d’incitations fiscales (qui ont été progressivement réduites) ! Il en est de même pour l’évolution du parc automobile…
La manière de le dire semble importante pour déboucher sur une adhésion sociale et citoyenne à l’évolution des politiques (confer effet de la taxe sur les carburants en 2018).
L’intention politique des rapporteurs est révélée, dans la Contribution, par les assertions très contestables suivantes, à propos de la crise sanitaire du COVID-19 :
« La crise que nous traversons n’est apparemment pas sans lien avec le dérèglement climatique et la dégradation de l’environnement. » (…)
« La perte de biodiversité, la destruction des milieux naturels, sont des témoins de la crise écologique, mais sont aussi pointés comme des facteurs importants de la crise sanitaire d’aujourd’hui. »
Cette tendance à la confusion et au mélange des thèmes apparait à de trop nombreuses reprises dans cette Contribution du CCC.
[1] Cette convention a eu comme mandat de « définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. »
[2] Conseil Économique, Social et Environnemental.
[3] « Sur la base de ces critères précis, la Convention Citoyenne pour le Climat a choisi de partager avec le Président de la République et le Gouvernement une partie de ses travaux (environ un tiers) dans leur état actuel d’avancement avec d’éventuels amendements ou réserves, avant transcription légistique, soit en version intégrale soit en version courte selon le choix des membres de la Convention. » – Contribution CCC
[4] « (…) si nos travaux restent à voter et à finaliser, la Convention Citoyenne pour le Climat est déjà parvenue à structurer des propositions. » (…) « Il y aura bien une session finale pour clôturer cette Convention citoyenne pour le climat, mais le rendez-vous n’a pas été fixé. » – Contribution CCC
[5] « Nous demandons que les financements mobilisés dans le cadre de la sortie de crise soient socialement acceptables, fléchés vers des solutions vertes et que les investissements se concentrent dans des secteurs d’avenir respectueux du climat. » – Contribution CCC
[6] « La crise du Covid-19 nous interroge sur les effets d’une crise environnementale à venir. Il ne faudrait pas, avec les mesures qui seront prises pour sortir de la situation sanitaire actuelle, que nous accélérions le dérèglement climatique. » Contribution CCC
[7] Le tirage au sort de citoyens n’en n’a pas été vraiment un (volontaires sélectionnés par un prestataire), et l’encadrement des 150 citoyens par des professionnels est très étroit.
[8] « Pour cela, nous préconisons que des grands travaux soient lancés pour réduire la dépendance de la France aux importations, favoriser l’emploi en France et réduire les émissions de gaz à effet de serre. » Contribution CCC
[9] Ils souhaitent « promouvoir la création de fermes municipales et de plateformes de regroupement des productions. » Sans commentaire.
[10] « Notre ambition est de passer d’une rénovation par petits gestes et à petits pas à une rénovation globale (toit, isolation, fenêtres, chauffage et VMC), en multipliant par trois le rythme des rénovations. »
[11] « Stopper « immédiatement » les aménagements de nouvelles zones commerciales périurbaines « très consommatrices d’espaces » ou encore d’autoriser les réquisitions de logements et de bureaux vacants. »
[12] « La sortie de crise devra être l’occasion de revisiter les modes de production et de travail (…) pour porter l’espoir d’un nouveau modèle de société. »
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