LE SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI DOIT SE PRÉPARER A UNE MONTÉE EN CHARGE PROGRESSIVE, MAIS FORTE, DU NOMBRE DES CHÔMEURS
Le service public de l’emploi (Pôle emploi, Missions locales et Cap emploi) doit se préparer à une montée en charge progressive du nombre de demandeurs d’emploi. Ce mouvement est aujourd’hui amorti par un chômage partiel massif, mais il est destiné à exploser d’ici à la fin de l’année 2020, c’est-à-dire à la date de fin des mesures d’urgence au 31 décembre 2020.
Je mets volontairement à part le cas de l’APEC dans la mesure où la population des cadres semble moins touchée (baisse de 40% des offres publiées). Partant d’un taux de chômage bas et enregistrant un moindre recours au chômage partiel, l’évolution devrait être moins forte que pour la moyenne des salariés. (Cette hypothèse reste à vérifier !)
Les effets de plusieurs facteurs vont venir se cumuler.
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Une croissance régulière des effectifs inscrits à Pôle emploi avec l’inscription des salariés en fin de contrat (intérim, CDD et contrats courts) et un faible flux de sortie, faute d’opportunités d’emploi en 2020.
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L’arrivée progressive à Pôle emploi de jeunes diplômés (du CAP au Master2), au cours du second semestre. L’accès à un premier emploi va être fortement freinée, sauf sur quelques créneaux spécifiques (numérique, etc.). Estimation : 5 à 600 000 jeunes.
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L’augmentation massive du nombre des licenciés économiques, bénéficiant de CSP, pris en charge habituellement par des prestataires de Pôle emploi. Ce mouvement reste encore très faible au 21 avril en raison du recours au chômage partiel. Mais le budget programmé sera vraisemblablement dépassé en cours d’année.
Par ailleurs, au sein de la population des inscrits, un transfert entre catégories va se développer naturellement des catégories B, C et D vers la catégorie A (tenu à une recherche d’emploi immédiatement disponible). Il changera la présentation des chiffres !
CHAQUE CONSEILLER DE POLE EMPLOI AURA UN NOMBRE DE DEMANDEURS D’EMPLOI A SUIVRE EN AUGMENTATION REGULIERE D’ICI A LA FIN 2020.
Au-delà du volet de l’indemnisation[1], l’accompagnement des DE ne pourra se poursuivre sur la base actuelle, pour deux raisons :
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Le nombre de publication d’offres d’emploi se sera effondré au premier semestre (-70% en mars). Il reprendra, au mieux, en septembre, mais à un niveau probablement très timide (exceptée sur quelques niches sectorielle et fonctionnelles).
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L’accès à des formations de chômeurs s’est effondré en mars et avril avec le renvoi vers des formations gratuites en ligne. Les conditions ne semblent pas propices à la reprise massive de formations, d’autant que le lien formation/demandes d’emploi existantes sera ténus (en dehors de quelques cas particuliers, comme un salarié dans le tourisme apprenant une nouvelle langue étrangère). La promotion de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) est une bonne chose, mais l’expérience a prouvé l’impact marginal de ce dispositif.
LES ACTIONS DE POLE EMPLOI EN LIGNE RISQUENT D’AVOIR DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
Dans ce contexte, les actions de Pôle emploi pourraient avoir des résultats décevants : plateforme « Mobilisation Emploi »[2], Emploi Store[3], 100% web, etc.
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Les outils en ligne ont leurs limites pour tous les publics et, davantage encore, pour des populations écartées volontairement (posture personnelle) ou par force du numérique. C’est le cas dans tous les secteurs (action sociale, etc.), où les limites sont désormais reconnues. Il en est de même pour l’emploi.
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La surcharge de travail des personnel, cumulée avec le manque de solutions à proposer (accompagnement individuel, offres d’emplois et formations menant à l’emploi) risque de poser un problème structurel à Pôle emploi et à ses personnels.
Le discours actuel de Pôle emploi aux chômeurs est :
« Comment préparer l’après-confinement avec les services Pôle emploi ? Même en période de confinement, vous pouvez continuer à préparer vos candidatures, développer vos connaissances, refaire votre CV de chez vous. »
Il ne suffira pas à répondre, dans la durée, aux attentes des demandeurs d’emploi.
Les agences Pôle emploi, qui ne reçoivent plus de public dans le cadre du confinement vont devoir rouvrir. Reste à connaitre les modalités qui seront retenues pour organiser les rencontres entre conseillers et demandeurs d’emploi en collectif et en individuel. La réorientation des objectifs des agences et des personnels est attendue !
LA NOUVELLE OFFRE DE SERVICE DE PÔLE EMPLOI RESTE A DÉFINIR APRÈS LE 11 MAI
Le directeur général de Pôle emploi répondait, le 9 avril, qu’il n’y avait pas eu d’afflux d’inscriptions à Pôle emploi.
« Non, on n’a pas d’afflux notamment grâce à la mesure qui a été prise par les pouvoirs publics de développer l’activité partielle. Dans les prochains jours on communiquera des chiffres en la matière. Les personnes touchées aujourd’hui par cette crise sanitaire très importante ont des capacités à maintenir leurs revenus et non pas à s’inscrire à Pôle emploi. Donc, il n’y a pas d’augmentation significative. »
Il s’est dit « réactif » sur la sortie de crise sans préciser de plan d’action.
« On va tous être très attentifs à la sortie de cette crise. La situation va dépendre de la capacité des entreprises à reprendre leur activité dans un contexte international qui va être tendu. On se prépare à des perspectives d’augmentation de la charge et on aura l’occasion de caler tout ça au fur et à mesure. Il faut observer ce qui va se passer, ne pas avoir de scénario préétabli et être très réactif. Il faut qu’on s’ajuste en fonction de la situation que nous allons constater. »
LA QUESTION DES MOYENS DONT DISPOSE PÔLE EMPLOI SE POSE.
Une éventuelle augmentation du budget de Pôle emploi, et des recrutements[4], pour répondre à une augmentation de ses activités n’a pas été évoqué, à ma connaissance.
Compte tenu de la charge qui devrait être affecté à l’Unédic pour le cout du chômage partiel (le tiers), il semble difficile de lui imposer une augmentation du montant de son financement à Pôle emploi.
La période de fermeture a provoqué selon des témoignages pas mal de tension interne dans l’établissement. La qualité globale du service rendu en ligne (via le télétravail) aux demandeurs d’emploi inscrits est difficile à mesurer précisément.
La reprise du travail semble devoir être chaotique[5], comme pour tout service recevant du public, au niveau des procédures, du matériel (masques et gel), des tests, etc.
Coté chômeurs, dans le contexte de la crise sanitaire, la prolongation du versement des indemnités chômage (ou de l’ASS) pour les chômeurs en fin de droits a nettement contribué à geler la situation et amortir la crise. Mais la sortie de période de crise va survenir.
La sortie prochaine de la période de confinement, même si elle est progressive, va faire apparaitre le problème du chômage de masse et ses conséquences sociales, qui semblerait logique de voir anticipée par la direction générale de Pôle emploi …
[1] « Le service chargé de l’indemnisation déjà en sous-effectif en temps normal, ne peut plus fonctionner avec du personnel en moins et ce surcroit d’activité. » – La fédération Solidaires Sud Emploi
[2] A travers la création de la plateforme Mobilisation Emploi du Gouvernement portée par Pôle emploi, des acteurs de l’emploi s’associent et s’engagent pour soutenir les entreprises et les professionnels indispensables à la vie de la Nation.
[3] « En cette période si particulière, cet outil complet peut vous apporter un réel appui pour vous accompagner dans votre projet professionnel. C’est le moment d’y découvrir des services web et mobiles utiles, que ce soit pour construire votre projet, vous former, rédiger votre CV et votre lettre de motivation, ou encore vous donner des clefs réussir votre entretien. »
[4] « C’est le moment de prévoir d’embaucher massivement à Pôle Emploi, mais également d’organiser le retour en agence des personnels du contrôle de la recherche d’emploi dès la sortie de crise pour que le nombre de personnes accompagnées par agent baisse significativement. » – La fédération Solidaires Sud Emploi.
[5] La pression des organisations syndicales au sein de Pôle emploi se traduit par une concurrence entre elles, en matière de précautions sanitaires et d’incitation au retrait des personnels. La maitrise des freins à la reprise apparait comme un élément majeur.
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