COMMENT ASSURER LE FINANCEMENT, LA RÉGULATION ET L’AMÉLIORATION DU SYSTÈME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE L’APPRENTISSAGE ?
France compétences a été créé le 1er janvier 2019[1]. Il s’agit d’un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, placé sous tutelle du ministère en charge de la formation professionnelle[2].
Cet opérateur a pour mission d’assurer le financement, la régulation et l’amélioration du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage[3], « pour un montant annuel de 10 Md€[4] ».
C’est l’unique instance de gouvernance nationale de la formation professionnelle et de l’apprentissage, qui a pris la suite de diverses instances nationales antérieures.
L’établissement doit gérer un nombre très important de dossiers relatifs à l’apprentissage et la formation professionnelle, avec une équipe assez restreinte[5].
Il a un positionnement tout à fait exceptionnel, en l’absence d’un ministère dédié à la formation et l’alternance !
Son ministère de tutelle, le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, n’indique même pas dans son intitulé sa compétence sur la formation professionnelle !
France compétences a mis en place les bases du nouveau système de financement et de répartition des fonds du secteur en 2019. La consolidation du système devait être assurée en 2020.
L’ ÉQUILIBRE DE FRANCE COMPÉTENCES POSE QUESTION.
C’est pourquoi, une mission sur les « conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle » a été confié à l’IGAS et l’IGF[6]. La ministre du Travail et le ministre délégué chargé des Comptes publics viennent d’annoncer la publication de ce rapport[7].
Ce rapport met en évidence : « des besoins de financement, antérieurs à la crise sanitaire, tant de court terme que de plus long terme ».
Certains sont conjoncturels car : « liés à la reprise du financement en 2020, par l’opérateur, des contrats d’apprentissage conclus par les régions antérieures à cette date. »
2020 est une année de transition dans la gestion de l’apprentissage.
Avant le 31 décembre 2019, la gestion était assurée par les Régions à travers le versement de dotations annuelles aux CFA. Depuis le 1er janvier 2020[8], les CFA sont financés en fonction du nombre de contrats d’apprentissage pluriannuels signés. France compétences accompagne et soutient, les OPCO dans cette phase de transition à travers la péréquation inter-branche.
Mais le problème le plus grave est de nature structurelle.
« À plus long terme, les recettes de l’opérateur, assises sur la contribution des entreprises à l’apprentissage et à la formation sont insuffisantes face à la progression des dépenses du fait du développement de l’apprentissage et du recours au compte personnel de formation, liée en grande partie à la réforme de 2018. »
Ces conclusions ne surprendront pas les professionnels. Il parait dommage de ne pas avoir anticipé le problème du « risque d’un déficit structurel croissant du système ».
L’ÉTAT DOIT PALIER LE RISQUE D’UN DÉFICIT STRUCTUREL CROISSANT.
Les ministères et le Conseil d’administration de France compétences devraient travailler conjointement :
« à la détermination des leviers opérationnels, notamment en matière de régulation financière, et de gouvernance permettant le renforcement de son équilibre financier pour mieux atteindre les objectifs fixés en 2018. »
L’État[9] a toutes les cartes en main, compte tenu de son poids au Conseil d’Administration de France Compétences.
En résumé, il apparait indispensable d’apporter à France Compétences des moyens en rapport avec ses missions pour l’établissement et ses interventions de manière pérenne.
POUR 2021, LE PLAN DE RELANCE RÉPOND AU MOINS EN PARTIE A CETTE PROBLÉMATIQUE.
Avant même la concertation annoncée par le ministère du Travail, on peut noter qu’une mesure du Plan de relance vise à assurer à France compétences :
« la capacité de financer l’alternance sur 2021 et 2022 : contrats de professionnalisation, contrats d’apprentissage et promotion par l’alternance. »
Elle prévoit une « dotation exceptionnelle » à France compétences de 750 M€ en 2021. Cette mesure vise à « garantir les versements de France compétences aux OPCO qui prennent en charge notamment les frais de formation des apprentis dans les CFA et soutenir ainsi la politique de l’apprentissage dans le contexte de crise ».
Elle répond à la diminution prévisible du niveau des ressources de France compétence, car celles-ci sont basées sur la masse salariale (en baisse en 2020).
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D’une part, le ministère du Travail mise sur le maintien du nombre de contrats d’apprentissage conclus à la rentrée 2020, au niveau de 2019. Il s’appuie sur la mise en œuvre de l’aide exceptionnelle aux employeurs, prévue dans le cadre du plan jeunes[10].
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D’autre part, en 2021, le nouveau dispositif de reconversion ou promotion par l’alternance (Pro-A) devrait être utilisé par les entreprises pour former leurs salariés[11] et pouvoir être financé.
Le plan de relance prévoit néanmoins la suite :
« Cette mesure de financement exceptionnel de France compétences s’accompagnera de mesures d’économies qui seront mises en place progressivement afin d’assurer un équilibre finance pérenne de l’opérateur. »
Les évolutions à venir du nombre d’apprentis à la rentrée 2020 ou du développement du dispositif Pro-A, seront à suivre en regard des moyens mis en œuvre.
[1] Suite de l’entrée en vigueur en 2018 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 – article 36.
[2] « Ses orientations stratégiques sont déterminées par une gouvernance quadripartite composée de l’État, des Régions, des organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatifs au niveau national et interprofessionnel, et de personnalités qualifiées. »
[3] « Le rôle de France compétences est de : répartir les fonds mutualisés aux différents acteurs de la formation professionnelle et de l’apprentissage ; réguler la qualité, les coûts et les règles de prise en charge de la formation ; garantir l’adéquation des certifications professionnelles avec les besoins économiques et sociaux ; organiser le conseil en évolution professionnelle pour les actifs occupés du secteur privé ; évaluer et informer pour contribuer au débat public ; agir en médiateur pour aider les usagers à résoudre leur différends avec les associations Transitions Pro et les opérateurs CEP (Conseil en évolution professionnelle). »
France compétences a vocation à jouer « un rôle clé dans la transformation de l’offre de formation. En lien avec les branches, elle participe à la construction des titres et des diplômes professionnels ».
[4] Pour l’exercice 2020, les ressources globales des fonds de la formation et de l’alternance avaient été estimées à 9,4 Md€, dont la moitié est gérée par les OPCO et l’autre moitié remontée à France compétences.
[5] Pour ordre de grandeur, le budget prévisionnel de France Compétences en 2019 était d’un montant de 2,85 milliards d’euros, dont 2,83 milliards pour le budget d’intervention et de 20,5 millions d’euros pour le budget de fonctionnement et d’investissement de l’établissement.
[6] 18/12/19
[7] Le rapport n’a pas encore été mis en ligne. https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/publication-du-rapport-consequences-financieres-de-la-reforme-de-l
[8] Décret n° 2019-1326 du 10 décembre 2019 relatif à France compétences et aux opérateurs de compétences
Modalités de financement des contrats d’apprentissage par les opérateurs de compétences et règles relatives à l’organisation et à la mission de répartition des fonds de la formation professionnelle par France compétences.
[9] La convention triennale d’objectifs et de performance (COP) 2020-2022, signée entre l’État et France compétences, devra être revue.
[10] « L’objectif est de maintenir le nombre d’entrées en apprentissage sur l’exercice 2020 et de retrouver la dynamique observée sur les deux derniers exercices (2018 et 2019) en 2021 en assurant aux CFA, via les versements de France compétences aux OPCO, la continuité de la prise en charge des dépenses liées à la formation. »
[11] « Concernant la promotion par l’alternance (ProA), il s’agit d’étendre le plus rapidement possible les accords de branche relatifs à la Pro-A, afin que les salariés puissent accéder à ce dispositif. » « La reconversion ou promotion par l’alternance concernera toutes les branches professionnelles avec un accord de branche relatif à la Pro-A étendu et incluant une liste de certifications éligibles. »
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