La Cour des Comptes développe une critique la politique actuelle d’insertion des jeunes dans une récente note et formule des propositions de réforme.
Elle met en cause la coordination entre Pôle emploi et le réseau des Missions locales, ainsi que l’architecture de l’offre de formations.
« La bonne coopération au niveau local entre les deux réseaux demeure aléatoire. Les tensions se nourrissent d’une concurrence sur les publics, résultant d’une ligne de partage peu claire entre Pôle emploi et les missions locales. »
LA NOTE CRITIQUE LES MISSIONS LOCALES SUR PLUSIEURS POINTS.
Pour le choix de leurs publics :
« Les missions locales demeurent attachées à l’idée qu’elles peuvent accueillir tous les jeunes qui se présentent à elles, et non pas seulement ceux qui présentent de telles difficultés. »
Pour des défauts supposés dans la prescription des formation :
« Les missions locales ne sont pas toujours incitées à programmer des formations pendant la durée de la Garantie jeunes, car cette solution concurrence, par exemple, les immersions en entreprise. Elles ne sont pas non plus incitées à le faire à l’issue de la Garantie jeunes, car cette orientation n’est pas considérée comme une « sortie positive », bien que cette option constitue un indicateur de leur performance. »
ELLE ÉVOQUE DES DÉFAUTS DANS LES ÉCHANGES D’INFORMATIONS.
Elle estime que : « les échanges d’information sont insuffisants[1] ».
En particulier, « le déploiement du partage d’informations concernant les jeunes âgés de 16 à 18 ans soumis à l’obligation de formation n’est toujours pas achevé[2] ».
Autre exemple, « le partage entre tous les acteurs concernés des données sur les formations disponibles et sur les affectations de jeunes dans celles-ci n’est pas non plus entièrement finalisé. »
ELLE JUGE QUE LA COORDINATION ENTRE L’ÉTAT ET LES RÉGIONS EN MATIÈRE DE FORMATION N’EST PAS SUFFISANTE.
« Si la loi du 5 septembre 2018 précitée permet désormais à l’État d’intervenir en matière de formation professionnelle des jeunes et des demandeurs d’emploi, la compétence de principe des régions n’a pas été remise en cause. »
LA COURS DES COMPTES PROPOSE UNE REFORME PROFONDE DES DISPOSITIFS ACTUELS
La conclusion de la CC est qu’« il paraît indispensable de renforcer la coopération entre les acteurs pour assurer le meilleur service aux jeunes accompagnés ».
La CC propose deux pistes de solution :
« Cette intégration nécessite soit un réseau unique, soit un partage de l’information et une prestation de services coordonnée entre réseaux.[3] »
Concrètement, il serait question d’un « guichet unique, répondant à tous les besoins des jeunes en un seul endroit »[4].
Elle pose également deux préalables :
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Une meilleure articulation des compétences entre l’État et les régions en matière de formation[5] et
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Une meilleure coordination des acteurs de l’éducation nationale[6] et de l’insertion dans l’emploi.
La CC défend l’idée d’une profonde réforme dans la répartition des rôles entre Pôle emploi et le réseau des Missions locales.
« Si certaines améliorations en matière de coordination sont possibles à cadre institutionnel constant (par exemple, en menant à bien les projets de partage d’informations en cours), des progrès décisifs requerraient des réformes plus profondes dans la répartition des rôles entre les parties prenantes.
Les propositions de la Cour des Comptes portent sur :
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La simplification de l’offre pour les usagers. Les Missions locales seraient recentrées sur la mobilisation vers l’emploi[7]. Pôle Emploi seraient chargé du placement en emploi.
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Une redistribution des compétences en matière de formation, c’est-à-dire sur la répartition des rôles des Régions et de l’État en termes de formation.
« L’offre de services pourrait être conçue au travers de conventionnements négociés dans chaque région, associant les services déconcentrés du ministère chargé du travail, la région, Pôle emploi et les associations régionales de missions locales. »
Elle doit être accompagnée d’une adhésion des acteurs par rapport à cette réorganisation ; celle-ci ne va évidemment pas de soi.
« Le succès de telles évolutions suppose, en toute hypothèse, de créer l’adhésion des acteurs autour du projet retenu. »
Une phase expérimentale est donc proposée, en liaison avec le Contrat d’engagement des jeunes (CEJ) :
« Une telle évolution pourrait faire l’objet d’une expérimentation dans un petit nombre de régions volontaires, en complément du référent unique annoncé dans le cadre du futur contrat d’engagement. »
Sans aller plus loin dans le projet évoqué par la note de la CC, il faut noter que la décision politique qui pourrait être prise dépendra des résultats des élections de 2022.
[1] « Le partage entre tous les acteurs concernés des données sur les formations disponibles et sur les affectations de jeunes dans celles-ci n’est pas non plus entièrement finalisé. » – Note de la CC – décembre 2021.
[2] « Cette obligation édictée par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance repose précisément sur la transmission par les établissements scolaires de listes de jeunes sortis du système éducatif aux missions locales, à charge pour celles-ci d’identifier ceux qui refusent les solutions proposées. »
[3] La coordination « suppose une organisation concrète pour accueillir les jeunes et répondre à leur demande, l’instauration de circuits d’échange d’informations utiles pour basculer de façon fluide d’un dispositif à l’autre, une limitation des effets de concurrence. »
[4] « Les défauts récurrents de coordination des acteurs pourraient aussi être surmontés par une organisation visant à proposer un « guichet unique ». »
[5] « Dans le cadre actuel, l’État devrait s’assurer que son action ne vient qu’en complément des initiatives régionales. Certaines régions, de leur côté, devraient renoncer à financer des formations ou des initiatives déjà financées au niveau national, par exemple dans le domaine des aides financières au passage du permis de conduire. »
[6] « Les pouvoirs publics n’ont que récemment pris la mesure de la nécessité de développer dès le collège et le lycée la connaissance des réalités de marché du travail par les jeunes. »
[7] « Les Missions locales se consacreraient à l’accompagnement social, la remobilisation, l’identification d’un projet, l’orientation en formation, éventuellement en relation avec les conseils départementaux. Dans cette option, la performance des missions locales serait évaluée à l’aune de l’accompagnement social et de la préparation vers l’emploi, et non de l’entrée dans l’emploi. »
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