LA SITUATION DE CONTRATS D’APPRENTISSAGE NE PARAIT PAS STABILISÉE A CE JOUR.
Le nombre des signatures de contrats d’apprentissage a fortement augmenté en raison de la modification des règles en vigueur. Mais la situation apparait très fragile et ne parait pas stabilisée à ce jour.
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Les contours du champ de l’apprentissage ont été modifiés avec l’extension de l’âge d’accès à l’apprentissage jusqu’à 29 ans (au lieu de 25 ans) et le développement de contrats majoritairement sur des qualifications post bac (diplômes à bac+2, +3 ou +5).
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Parallèlement, le nombre des acteurs a explosé. Le nombre des Centres de formation par l’apprentissage (CFA) aurait triplé et atteint plus de 3 000[1]. Ces créations impliquent une situation de concurrence, en particulier sur certains secteurs.
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Enfin, les employeurs ont pu bénéficier d’une prime « exceptionnelle » pour la première année de contrat (de 5 000 € pour les mineurs et de 8 000 € pour les majeurs), qui a été prolongée jusqu’à fin 2022 ; c’est-à-dire pour l’année 222-2023.
L’objectif politique annoncé d’un million d’entrées en apprentissage par an ne semble pas acquis, pour plusieurs raisons :
1. Le financement des CFA n’apparait pas stabilisé : fonctionnement, ingénierie, investissements, etc.
2. La prime accordée aux employeurs ne semble pas pérenne à ce jour.
LES CFA SE TROUVENT A LA RECHERCHE DE NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES[2].
La réforme de 2018 a instauré le financement des établissements en fonction du nombre de contrats qu’ils comptabilisaient. Les effets du dispositif du coût/contrat commencent à être perceptibles, mais ils ne seront déterminants qu’à partir de 2023.
« C’est à partir de cette échéance qu’il faudra aller chercher des nouvelles sources de financement pour améliorer l’autofinancement des CFA » selon le président de la Fnadir[3].
Les CFA doivent donc trouver des compléments de financement pour faire évoluer leurs offres de formation.
Des difficultés de recrutements apparaissent suite à l’ouverture massive de sections d’apprentissage.
« En avril, pour la première fois depuis 5 ans, le nombre de contrats a diminué de 12% » – Le président de la Fnadir.
Des problèmes de recrutement d’apprentis apparaissent avec des pénuries de candidats sur les secteurs en tension comme les industries, l’agriculture ou la santé.
Les procédures d’orientation pourraient sans doute être améliorées, mais elles sont en partie dépassée par l’explosion, de l’offre des CFA.
Donc, il est probable qu’une part des sections ouvertes ne devraient pas se remplir.
« Sur certains métiers, il y a eu l’illusion que si on ouvrait des sections, elles allaient se remplir. » Le président de la Fnadir.
LA QUESTION D’UN FINANCEMENT STABLE DES CFA SE POSE.
1. Coté État, France compétences dispose de moyens insuffisants. FC se trouve dans une situation de fort déficit, puisque ne disposant pas des financements en phase avec le développement de ses dépenses (contrat d’apprentissage, CPF et le PIC) et doit avoir recours à des emprunts bancaires, dont l’obtention n’est pas acquise[4].
« Le modèle économique de financement des CFA n’est pas encore stabilisé. », car « personne n’avait prévu une envolée aussi forte des contrats d’apprentissage », selon le Directeur de France compétences.
2. Les Régions ont une capacité à apporter aux CFA des financements de fonctionnement (en complément au coût-contrat payé par l’Opco) et des subventions d’investissement quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique le justifient., sur une enveloppe dédiée limitée à 180 millions d’euros[5].
3. La capacité des CFA à dégager des bénéfices pour financer leurs investissements reste incertaine[6], tout comme leur diversification à d’autres offres de formation risque d’être ponctuelle, par exemple via des réponses à des appels à projets des Opco.
4. Enfin, reste la piste consistant à chercher des fonds propres ou quasi-fonds propres. La Banque des Territoires déploie des instruments spécifiques de financement pour les CFA[7].
LA RESPONSABILITÉ DE CETTE SITUATION, COMME DES SOLUTIONS, REVIENT AU MINISTÈRE DU TRAVAIL
Certains affirment que les CFA doivent développer leurs activités, diversifier leur offre de service et explorer de nouvelles sources de financement…
Mais en réalité, la balle se trouve dans le champ du ministère du Travail.
Celui-ci n’est pas vraiment parvenu à stabiliser le financement de la réforme de 2018, ce qui pose aujourd’hui problème.
France compétences cumule 8 milliards d’euros de déficit, pour l’ensemble de ses missions : alternance, Compte personnel de formation (CPF) et plan d’investissement dans les compétences (PIC) représentent 92% des dépenses de l’organisme.
[1] Billet : « Comment se prépare l’ouverture du marché des CFA ? » – https://toutpourlemploi.fr/2019/06/ouverture-du-marche-des-cfa/
[2] La Journée nationale d’information et d’échange de la Fnadir (Fédération nationale des directeurs de CFA/OFA) du 2 juin 2022 était consacrée aux « nouveaux modèles économiques » des centres de formation des apprentis.
[3] https://www.banquedesterritoires.fr/lapprentissage-toujours-en-quete-de-financement
[4] Si l’État apporte 2,7 milliards à France compétences, le Directeur de France compétences redoute d’avoir du mal à trouver 5 milliards d’euros en septembre pour boucler son budget.
[5] Les Régions perçoivent à cette fin des fonds de France compétences pour majorer les coûts contrats (pris en charge par les OPCO) et visant leurs dépenses de fonctionnement et verser aux CFA des subventions d’investissement.
[6] « Nous passons d’une logique de centre de coûts à une logique de centre de profit » – Le premier vice-président de la Fnadir.
[7] Depuis décembre 2021, la Banque des Territoires a mis en œuvre un dispositif d’aide au financement des CFA qui vise à « renforcer la structure financière des organismes pour financer leur développement ». Il ne s’agit pas de prêt bancaire, mais de prise de participation au capital, l’intervention s’adaptant au statut de l’établissement (associatif ou société). À ce jour, trois établissements ont été financés. L’objectif est d’atteindre cinq projets cette année et une quinzaine en 2023…
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