Le marché de l’emploi, dans son ensemble, dépend étroitement de la santé des secteurs de la production (agriculture, construction, industrie et numérique), dont en tout premier lieu l’Industrie.
LA DÉSINDUSTRIALISATION DE LA FRANCE SE POURSUIT.
Le repli industriel continue pour plusieurs raisons.
1. Des secteurs voient leurs activités réduites ou suspendues durablement, dans le contexte de la crise économique et sociale liée à la politique anti Covid-19 ; c’est en particulier le cas de la construction automobile et aéronautique, pour les fabricants et tous leurs sous-traitants.
2. D’autres profitent du contexte pour mettre en œuvre une réorganisation ou une restructuration, même sans être directement touchés par la crise.
3. Des usines apparaissent condamnées par des choix technologiques, justifiés ou non. Par exemple, la fermeture définitive de l’usine Bosch de Rodez vient d’être envisagée par la direction allemande du groupe. Les effectifs ont déjà fondu chez Bosch (Aveyron)[1] avec la réduction de la filière diesel[2]. Il y a 15 ans, l’usine faisait travailler 2 500 personnes. Le site compte encore 1 200 salariés. Un plan de pré-retraites prévoit le départ de 130 personnes d’ici le mois de mai 2021. La projection d’effectifs de la direction prévoyait entre 800 et 850 personnes à l’horizon 2022. Les efforts de diversification n’ont pas débouché pour l’instant sur un volume significatif d’emplois.
4. Des opérations de délocalisations industrielles se poursuivent. C’est par exemple le cas de la fermeture de l’usine de Bridgestone. Le fabricant de pneus japonais a confirmé son départ[3]. Il se dit à la recherche de repreneurs et avoir identifié des d’offres potentielles « dont quatre projets déjà bien définis »[4]. Les raisons invoquées par l’entreprise sont une surcapacité de production en Europe et la concurrence de produits asiatiques à bas coût. La solution alternative, soutenue par le gouvernement, a été rejetée par l’entreprise. Le choix des mesures sociales va être engagée avec l’entreprise Bridgestone pour les 863 salariés de l’entreprise.
On se trouve donc dans un scénario très classique. La ministre parle de « travailler sur des scénarios de reprise ». L’État et la Région déclarent être prêts à mettre à participer au financement d’une reprise de l’activité à hauteur de 50%.
D’AUTRES OPÉRATIONS DE DÉLOCALISATION INDUSTRIELLE SERAIENT EN PRÉPARATION EN FRANCE.
Elles concerneraient des effectifs plus ou moins importants selon les cas (Général Electric GE, etc.). La délocalisation de la production se poursuit vers d’autres sites dans l’est de l’Europe, au Maghreb ou en Asie.
Les motifs mis en avant par les entreprises multinationales apparaissent constants : « marché très concurrentiel, surcapacité des sites de production et sauvegarde de la compétitivité ».
LE NOMBRE DES EMPLOIS DIMINUE DEPUIS DES DÉCENNIES DANS L’INDUSTRIE.
Selon La fabrique de l’industrie[5] (novembre 2020), les délocalisations auraient conduit à « 9 000 et 27 000 destructions brutes d’emplois industriels par an en France selon les définitions[6] et les périodes étudiées ». Cette estimation est très floue avec une fourchette allant d’un à trois. Elle fait évidemment l’objet d’un débat.
Les effectifs dans l’industrie ont diminué de -932 100 emplois en vingt ans (de 2000 à 2020), dont -213 600 emplois en 10 ans (de 2010 à 2020)[7].
Les chiffres cités sont les derniers parus, donc ceux à la fin du second trimestre.
Pour la seule industrie manufacturière, la baisse a été de -954 500, soit -25,8% sur vingt ans.
Emplois salariés dans l’industrie
Année | Effectifs en millions | Évolution | En % |
1980 | 5,08 | – | – |
1990 | 4,61 | – 470 500 | -9,3% |
2000 | 4,06 | – 547 900 | -11,9% |
2010 | 3,34 | – 718 500 | -17,7% |
2020 | 3,13 | – 213 600 | -6,4% |
Sur 40 ans, les effectifs dans l’industrie ont diminué de 1,95 million de salariés (-38,4%).
L’industrie emploi 12,6% des travailleurs salariés[8]. Il convient d’y rajouter environ un tiers des travailleurs intérimaires, soit de l’ordre de 0,8%, mais ce chiffre est évidemment très variable d’un mois sur l’autre.
[1] Bosch à Rodez est le premier employeur privé de l’Aveyron
[2] Cette usine était spécialisée dans la fabrication d’injecteurs diesel.
[3] La direction avait annoncé, à la mi-septembre, la fermeture dans le courant de l’année 2021. « La cessation totale et définitive de l’activité de l’usine de Béthune est la seule option qui permettrait de sauvegarder la compétitivité des opérations de Bridgestone en Europe » – 16 septembre 2020.
La ministre de l’Industrie vient de déclarer que : « Bridgestone a fermé la porte, Bridgestone quitte le site de Béthune (…) ; le scénario qui visait à maintenir une activité de production de pneus pilotée par Bridgestone a été refermé ».
[4] Bridgestone déclare être prêt à ce qu’un concurrent vienne s’installer à sa place ! Cette hypothèse semble évidemment peu plausible.
[5] Organisation para-patronale, proche de l’UIMM.
[6] La délocalisation a plusieurs définitions. « La définition la plus restrictive – mais aussi la plus commune – des délocalisations est celle du transfert d’une unité de production initialement installée en France vers l’étranger. La version plus large inclut tout arbitrage défavorable à l’implantation d’une activité en France (qu’elle soit sous-traitée ou non). »
[7] Chiffres DARES pour le second trimestre 2020.
[8] Effectifs salariés à la fin du second trimestre 2020, en milliers.
Secteur | Effectifs 2020 T2 en milliers | % |
Agriculture | 294,7 | 1,2% |
Industrie | 3 128,10 | 12,6% |
Construction | 1 424,90 | 5,7% |
Tertiaire marchand | 11 438,20 | 46,1% |
Tertiaire non marchand | 7 969,10 | 32,1% |
Intérim | 577,9 | 2,3% |
Ensemble | 24 832,90 | 100,0% |
Pas de commentaire sur “Comment la désindustrialisation de la France se poursuit ?”